Forum sur l'Investissement dans les Jeunes Enfants à l'Échelle Mondiale: Synthèse de neuf ateliers mondiaux Exploration fondée sur les faits des investissements stratégiques dans les jeunes enfants (2017)

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COMMENT INVESTIR DANS LES JEUNES ENFANTS ET QUELLES SONT LES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES? 4 Les stratégies employées pour l’investissement dans les jeunes enfants sont presque aussi importantes que les investissements eux-mêmes. Par exemple, plusieurs intervenants lors des ateliers ont affirmé qu’investir uniquement dans l’éducation ou la nutrition en excluant la protection sociale et la santé ne permettait pas de maximiser l’impact de ces investissements (IOM et CNRC, 2014, 2015a). La collaboration et la coordination des efforts pour accroître les retombées et l’impact des investissements ont été débattues comme facteur déterminant à travers les ateliers du forum. Parmi les autres stratégies importantes abordées, on peut citer la coordination des investissements financiers à travers les ministères, l’intégration de la programmation sur différentes plateformes pour traiter la protection sociale, la santé, la nutrition et l’éducation, et le ciblage des investissements tout au long de la vie. Des intervenants ont abordé la coordination des programmes et des politiques entre les secteurs public et privé ; la stratégie du dimensionnement ; l’incorporation d’outils de mesure pour déterminer le qui, le quoi, le pourquoi et le comment investir ; et la communication des résultats aux investisseurs. Coordination et intégration Deux défis posés aux investissements dans les jeunes enfants sont la fragmentation du secteur public et le manque de coordination parmi les investisseurs (IOM et CNRC, 2015a ; NASEM, 2015). Selon Enakshi Ganguly du HAQ : Centre for Child Rights, en Inde les budgets pour les programmes destinés aux jeunes enfants sont répartis sur plusieurs ministères, ce qui cause des problèmes d’analyse budgétaire. La coordination parmi les investisseurs est essentielle pour résoudre ce problème (IOM et CNRC, 2015a). Subrat Das et Protiva Kundu du Centre for Budget and Governance Accountability ont noté un autre besoin de coordination en déclarant que les politiques en Inde séparaient les enfants selon différentes catégories d’âge, ce qui résultait en une couverture inégale selon les groupes d’enfants (IOM et CNRC, 2015a). Au Brésil, Ana Elisabeth de Andrade Lima du Secrétariat d’État à la santé de Pernambuco, recommande que les partenaires communautaires et investisseurs dans la petite enfance collaborent pour se faire une idée d’ensemble et pour encourager la participation à tous les niveaux en vue d’une gouvernance efficace (IOM et CNRC, 2015b). Comme stipulé par Sumit Bose, ancien Secrétaire des finances en Inde, le financement de programmes et de politiques de développement infantile à grande échelle peut être extrêmement difficile en raison des pressions exercées par d’autres secteurs proposant de créer des solutions de court terme. D’après son expérience, les dépenses sur les programmes et services à court terme ne mènent pas à des solutions durables (IOM et CNRC, 2015a). Certains intervenants ont discuté de solutions coordonnées et intégrées vers des investissements durables dans la petite enfance, en présentant les bénéfices et les inconvénients de chaque approche. 18 

SLOVAKIA 4 COMMENT INVESTIR DANS LES JEUNES ENFANTS COLOMBIA ET QUELLES SONT LES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES? Selon Jan van Ravens de la Yale School of Medicine, il y a peu de preuves indiquant que les programmes intégrés donnent de meilleurs résultats sur les enfants que les programmes coordonnés, l’approche de recherche étant biaisée (NASEM, 2015). Lorsqu’on considère l’argument que les enfants apprendront mieux si un service de nutrition est intégré à l’établissement préscolaire, les études ne prennent en compte que quatre groupes : (1) les enfants qui ont accès uniquement au programme préscolaire, (2) les enfants qui ont accès uniquement à un programme de nutrition, (3) les enfants qui n’ont accès à aucun des deux, et (4) les enfants qui ont accès au programme intégré. Il manque un cinquième groupe essentiel à cette évaluation, selon van Ravens—les enfants qui ont accès à un programme préscolaire d’un fournisseur et à un programme de nutrition d’un autre fournisseur (NASEM, 2015). Emily Vargas-Baron du RISE Institute (NASEM, 2015) a remarqué qu’à l’échelon national, les politiques et programmes de développement de la petite enfance couvraient des secteurs multiples ; cependant, très peu d’entre eux sont intégrés. C’est à l’échelon local qu’elle voit typiquement les services intégrés autour de l’enfant. Elle ajoute que peu de ministères intersectoriels existent dans le monde. En général, Vargas-Baron affirme que de nombreux ministères du développement infantile intégrés ont eu une durée de vie éphémère et tendaient à manquer de pouvoir, citant le Ministère du renseignement au Venezuela ; le Ministère du développement infantile et des femmes au Sri Lanka ; et le Ministère du développement communautaire, du genre et des enfants en Tanzanie. Actuellement, des ministères intersectoriels existent en Géorgie, au Lesotho et au Bhoutan (NASEM, 2015). Molina (IOM et CNRC, 2015b) a décrit un exemple de système bien coordonné de politiques. Elle a décrit un système développé au Chili pour soutenir le développement de la petite enfance, Chile Crece Contigo (le Chili grandit avec toi). Mis en œuvre en 2007, le système a suivi une approche pluridisciplinaire et a été planifié à travers les secteurs de plusieurs ministères pour servir de système de protection complet de la petite enfance, avec un cadre de travail axé sur l’enfant et sur les droits. Chile Crece Contigo fait partie d’une politique publique plus large de protection sociale pour les travailleurs et les personnes pauvres qui se focalise sur les mères, les enfants et les familles. Cette politique inclut tous les secteurs, dont la santé, l’éducation, la santé publique, la culture, le logement et d’autres secteurs couverts par le gouvernement, car les enfants sont touchés par tous ces aspects de la pauvreté. Molina met en exergue l’importance d’une collaboration multisectorielle, avec des investissements non seulement au niveau du ministère mais également à l’échelon local, en s’inspirant des succès et des expériences locaux et internationaux, dont Chile Solidario et Bolsa Familia au Brésil. D’après Molina, ce qui a commencé dans une centaine de municipalités a finalement été étendu pour englober tout le pays. Générer une volonté publique et politique pour amplifier des programmes fructueux De nombreux programmes peinent lors de leur amplification. Plusieurs intervenants au cours des ateliers ont cité parmi les problèmes la volonté d’amplifier le programme, de maintenir la qualité et l’intégration et de s’assurer que les investissements sont optimisés en termes d’impact (NASEM, 2016b). Jeremy Shiffman de l’American University a mentionné parmi les opportunités de changement d’échelle l’inclusion des leaders politiques, des médias, des partenaires privés et le fait de s’appuyer sur les infrastructures existantes pour voir plus grand (NASEM, 2016b). 19 

SLOVAKIA 4 COMMENT INVESTIR DANS LES JEUNES ENFANTS COLOMBIA ET QUELLES SONT LES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES? Dans sa présentation, Shiffman argue que les décideurs doivent créer les agendas en établissant des priorités. Pour lui, quatre secteurs nécessitent une cohérence pour générer des priorités politiques mondiales et un accroissement des ressources : (1) définition des problèmes, (2) positionnement, (3) création de coalition et (4) gouvernance (NASEM, 2016b) (voir Figure 4-1). La définition des problèmes est un consensus interne à la fois sur le problème et sur la solution et elle est importante car elle amène de la crédibilité, un effet levier et une Figura 4-1 Défis stratégiques communs pour les réseaux cohésion de la communauté, la formation d’un de développement mondiaux. réseau étroit qui agit d’un seul bloc pour presser SOURCE: Présentée par Shiffman, 2016, Passer des preuves les gouvernements à agir. Le positionnement se à l’implémentation des programmes pour la petite enfance réfère au cadrage d’un problème qui incite les (Shiffman, 2017). publics externes à l’action, et différent cadres résonnent différemment selon les publics. La création de coalition (formation d’alliances) nourrit un soutien politique élargi et renforce les secteurs du développement social. Enfin, selon Shiffman, la gouvernance se rapporte à des structures efficaces pour guider l’action collective nécessaire pour mettre les communautés en capacité d’atteindre efficacement leurs objectifs (NASEM, 2016b). Pour Shiffman, ces éléments peuvent être optimisés pour accroître le nombre d’investisseurs dans les programmes de développement de la petite enfance. Plusieurs intervenants ont indiqué qu’il était vital de mobiliser la volonté d’extrapoler les programmes, pas seulement au sein d’un système donné, mais en dehors du système également pour ajouter un effet levier (NASEM, 2016b). C’est possible en engageant les acteurs qui ne sont pas impliqués dans l’espace, selon Watson (NASEM, 2016b). Dans le cas de la petite enfance, cela signifie aller au-delà de la santé et de l’éducation pour engager des secteurs non traditionnels, tels que les transports et l’agriculture. Par exemple, Sonia Sharma de Mobile Creches explique qu’en Inde, Mobile Creches a établi des centres dédiés à la petite enfance pour les enfants de migrants ouvriers du bâtiment (NASEM, 2016b). En appliquant un modèle holistique des services de la petite enfance et en mettant à contribution les secteurs de la santé, de la nutrition, de l’éducation et de la sécurité, de même que les ouvriers du bâtiment, pour créer l’infrastructure des établissements, l’action a permis de créer 25 centres offrant soins et protection à 2 413 enfants et 1 500 familles (NASEM, 2016b). ReadyNation, une organisation internationale d’entreprises à but non lucratif, exploite l’expérience, l’influence et l’expertise de plus de 1 600 cadres dirigeants pour promouvoir les politiques et programmes publics qui forment une force de travail et une économie plus solides. Sara Watson de ReadyNation présente ces champions inattendus, qui sont actifs dans des pays allant de la Roumanie à l’Ouganda ou l’Australie, comme les ambassadeurs puissants des politiques et programmes de la petite enfance (NASEM, 2016b). 20 

SLOVAKIA 4 COMMENT INVESTIR DANS LES JEUNES ENFANTS COLOMBIA ET QUELLES SONT LES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES? Rien qu’aux États-Unis, ils ont permis d’apporter plus de $3 milliards au développement infantile entre 2014 et 2016. Watson note que les leaders économiques sont des soutiens convaincants du développement de la petite enfance car il est dans leur intérêt de bénéficier d’une économie et d’une force de travail solides (Watson, 2015). La mobilisation des médias peut être optimisée comme autre stratégie importante permettant de générer la volonté d’extrapolation des programmes, selon Janine Zacharia de la Stanford University (NASEM, 2016a). Elle précise que les médias jouent un rôle essentiel dans la mobilisation de la volonté d’extrapolation pour optimiser les soutiens via des messages efficaces et clairs. Un exemple mentionné par Sirin est la photo d’un jeune enfant sans vie dont le corps a échoué sur la rive, comme symbole de la perte tragique d’une vie innocente dans le conflit syrien (NASEM, 2016a). Les médias peuvent également servir à attirer l’attention sur l’importance des premières années de vie d’un enfant. Eduardo Queiroz de la Fundação Maria Cecília Souto Vidigal a présenté le film The Beginning of Life, qui exprime l’importance d’investir dans le développement de la petite enfance et s’adresse à un public mondial (NASEM, 2016b). Les programmes de télévision destinés aux enfants ainsi que la réalité virtuelle constituent des outils utiles pour montrer les conditions de vie des enfants dans les situations de conflits, afin de générer de l’empathie et de pousser les gens à l’action, d’après Nada Elattar de Sesame Workshop et Zacharia (NASEM, 2016a). Inciter la jeunesse à utiliser les réseaux sociaux pour générer une volonté publique et sociale s’est avérée une approche payante à Amman, Jordanie. Penser sur plusieurs générations pour résoudre des problèmes et promouvoir les investissements dans les jeunes enfants au niveau régional a été illustré par le tableau de bord du JEEL 962 basé sur Internet (NASEM, 2016a). Ayyam Fouad Al Asaad, vice-président du JEEL 962 et étudiant à l’Université de Jordanie, a présenté la plateforme de crowdsourcing, qui incite les jeunes, en tant que véritables antennes dans la communauté, à aborder les problèmes et les solutions aux défis rencontrés par les jeunes enfants, les jeunes et leurs familles. Bose explique qu’en raison de la pression exercée pour la création de solutions de court terme, on échoue parfois à développer des institutions durables, ce qui impacte négativement le développement infantile (IOM et CNRC, 2015a). Certains intervenants ont donc déclaré qu’il ne suffisait pas de fournir des services, il est nécessaire de mener des campagnes de prise de conscience et de promouvoir une évolution des comportements, tout en coordonnant les divers investisseurs (IOM et CNRC, 2015a ; NASEM, 2016a,b). Michelle Gagnon de la Palix Foundation a présenté un exemple de l’Alberta Family Wellness Initiative, qui entreprend des recherches pour initier une action politique et illustre comment la recherche peut être compilée et utilisée pour faciliter un changement systémique (NASEM, 2016b). Elle ajoute que les médias peuvent aussi servir à inciter d’autres investisseurs qui ne s’impliqueraient pas typiquement dans le développement de la petite enfance. Maintenir la qualité lors de l’extrapolation Une fois la volonté d’extrapolation générée, les participants ont noté que le prochain défi était de maintenir 21 

SLOVAKIA 4 COMMENT INVESTIR DANS LES JEUNES ENFANTS COLOMBIA ET QUELLES SONT LES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES? la qualité d’un programme à grande échelle (IOM et CNRC, 2015b ; NASEM, 2016b). Ces participants ont débattu des difficultés pour passer d’un projet simple à une politique d’échelon national qui entraînent souvent une perte qualitative (IOM et CNRC, 2015b). Susan Walker de la University of the West Indies a expliqué que la Jamaica Home Visit Intervention représentait une stratégie modèle pour le maintien de la qualité des programmes. Ce programme a contribué à alimenter des relations mère-enfant positives, a amélioré l’environnement résidentiel et était simple à reproduire dans des contextes à faibles ressources (IOM et CNRC, 2015b). Walker a affirmé que l’action a réussi à maintenir la qualité et l’efficacité en créant une capacité en ressources humaines, en formant des membres de la communauté locale et en atteignant plus de familles (IOM et CNRC, 2015b). D’après Walker, en intégrant des membres locaux et en soutenant leur formation, on accroît la capacité en force de travail et la communauté s’investit dans le programme. Mariavittoria Ballotta de l’UNICEF affirme que, en particulier dans les pays ayant subi des conflits, on manque souvent d’experts dans le développement de la petite enfance, car les gouvernements ont d’autres priorités en termes de ressources (IOM et CNRC, 2015a). Certains participants ont abordé comment l’investissement dans la création de capacités locales permettait d’assurer la qualité et la durabilité et de faciliter le passage à plus grande échelle des programmes. Les participants ont aussi mentionné que l’intégration des services de manière horizontale plutôt que verticale pouvait aussi faciliter l’extrapolation (IOM et CNRC, 2015b). Considérations lors du passage à plus grande échelle Constanza Alarcon, du Bureau de la présidence en Colombie, a indiqué qu’une stratégie pour assurer la qualité lors de l’extrapolation des politiques et programmes est de s’appuyer sur les infrastructures existantes et sur les ressources humaines disponibles, pour éviter une baisse qualitative inévitable lors de la création de quelque chose de nouveau et d’inconnu (IOM et CNRC, 2015b). Selon Alarcon, il faut adapter les modèles des projets pilotes à divers contextes, en modifiant les variables en fonction de la réalité locale, afin de maintenir la qualité et la rentabilité (IOM et CNRC, 2015b). Quant au maintien de la qualité des programmes lors de leur passage à plus grande échelle, Alarcon a exhorté les participants à identifier les objectifs et critères spécifiques du programme et à encourager le personnel à viser un haut niveau de qualité par la formation, le conseil, la compensation et le partage d’expériences. Elle a retenu ces leçons apprises avec la politique du gouvernement colombien, De Cero a Siempre (de zéro à toujours), qui a réussi à engager des investisseurs locaux et a mis en œuvre une approche intégrée pour améliorer le développement de la petite enfance (IOM et CNRC, 2015b). Alarcon ajoute qu’une évaluation de suivi intersectoriel est un élément essentiel pour identifier l’efficacité et encourager l’engagement public dans la création et la mise en œuvre d’une politique publique durable et efficace sur la base des informations sur la qualité rassemblées (IOM et CNRC, 2015b ; NASEM, 2016d). Costin suggère que les évaluations d’impact permettent de dégager ce qui marche pour orienter les investissements futurs (IOM et CNRC, 2015b). elon Andrea Torres de Chile Crece Contigo, lors du passage à grande échelle, il importe également de maintenir un fort support aux gouvernements locaux, car même si la politique est ébauchée à l’échelon national, le point de contact entre les familles et les politiques publiques se fait à l’échelon local (IOM et CNRC, 2015b). 22 

SLOVAKIA 4 COMMENT INVESTIR DANS LES JEUNES ENFANTS COLOMBIA ET QUELLES SONT LES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES? Runciman ajoute que le maintien de l’intégrité du modèle ajusté aux conditions locales est un facteur de réussite de l’extrapolation (Hill and Olds, 2013 ; IOM et NASEM, 2015). Lors des investissements axés sur les jeunes enfants, il faut aussi considérer qui supporte les coûts. Larry Aber de la New York University (NASEM, 2016d) fait valoir que les familles et les communautés investissent de manière disproportionnée dans les enfants comparés aux gouvernements, à l’industrie et à d’autres investisseurs. D’après Alex Coutinho, ancien directeur de l’Uganda’s Infectious Diseases Institute, les familles ont besoin que le gouvernement s’engage à investir dans les enfants. Heymann remarque que le congé parental rémunéré et les congés pour s’occuper d’un enfant malade sont essentiels pour donner la capacité aux parents de s’occuper des enfants tout en travaillant pour subvenir aux besoins de leurs familles (NASEM, 2016d). Coutinho ajoute que les gouvernements devraient éduquer les pourvoyeurs de soins sur le développement infantile et leur donner les moyens d’agir pour optimiser le bien-être de leurs jeunes enfants (NASEM, 2016d). Par conséquent, selon Coutinho, les parents doivent être inclus dans les processus de planification des politiques. Vargas-Baron soutient également la prise en compte des parents dans le processus de planification des politiques (NASEM, 2015). Elle indique que l’autonomisation des parents est centrale pour les aider à améliorer leur vie et le développement de leur enfant (NASEM, 2015). L’une des manières d’engager les parents est l’action collective menée par la communauté, qui peut conduire efficacement au changement, en particulier dans les communautés ou d’autres exercent une grande influence au sein du foyer, suggère Kalana Peiris de Plan International (NASEM, 2015). Il ajoute que les programmes appartiennent à la communauté et sont intégrés à la routine quotidienne, plutôt que prescrits, ce qui apporte un meilleur engagement de la population. Le financement des programmes à grande échelle Plusieurs intervenants des ateliers du forum ont abordé les stratégies de financement des programmes. Sherri Le Mottee a décrit son travail avec Ilifa Labantwana, un programme en Afrique du Sud qui apporte aux enfants et à leurs pourvoyeurs de soins un pack de services essentiel de la conception à l’entrée à l’école (IOM et CNRC, 2015a). Ce programme est soutenu par une collaboration de donateurs qui travaille en tandem avec le gouvernement et la société civile, visant au développement de programmes durables intégrant la communauté et à l’obtention de subventions additionnelles du gouvernement. Elle met en garde contre les politiques qui font souvent obstacle et précise que disposer de ressources ouvrent souvent des portes, mais que naviguer entre des politiques individuelles et systémiques peut entraîner des retards (IOM et CNRC, 2015). D’après plusieurs intervenants, les programmes de transferts de fonds constituent une autre option d’investissement dans les pourvoyeurs de soins (IOM et CNRC, 2014, 2015a). Ces programmes octroient aux pourvoyeurs de soins un supplément en espèces — avec ou sans conditions — qui leur offrent un meilleur accès aux programmes et aux services pour améliorer le devenir de l’enfant (Fernald et Hidrobo, 2011). 23 

SLOVAKIA 4 COMMENT INVESTIR DANS LES JEUNES ENFANTS COLOMBIA ET QUELLES SONT LES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES? Comme le souligne Lia Fernald de la University of California, Berkeley, le complément de revenus peut aider les pourvoyeurs de soins à couvrir les besoins basiques, à investir dans la scolarité des enfants ou à renoncer à un travail à l’extérieur pour se consacrer aux enfants (IOM et CNRC, 2014). Avec ses collègues, elle a déterminé que des approches complètes, combinant des transferts de fonds et la promotion directe du développement infantile via le soutien parental, l’éducation parentale et les stimulations dans l’enfance, sont plus efficaces que de simples investissements. Plusieurs autres programmes de transfert de fonds ont été présentés durant les ateliers du forum. Par exemple, Lucie Cluver de l’Oxford University a également abordé l’importance d’une approche complète dans les programmes de transferts de fonds (IOM et CNRC, 2015a). Avec ses collègues, elle a découvert que les transferts de fonds accompagné de soins — définis comme la parentalité positive, l’encadrement scolaire, le soutien des enseignants ou d’autres éléments — étaient très efficaces pour réduire le risque de contraction du VIH, de grossesse, de décrochage scolaire et de conduite criminelle en Afrique du Sud (Cluver et al., 2014). Dans le programme de transfert conditionnel de fonds national au Brésil, Bolsa Familia, une évaluation des répercussions a montré une baisse de la mortalité et du taux d’hospitalisation infantiles (Rasella et al., 2013). De la même manière, Oumar Barry de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal, a constaté de meilleurs résultats en combinant les transferts de fonds vers les femmes chefs de famille au Niger à des éléments comportementaux visant à changer l’attitude parentale (NASEM, 2017). Ceci a entraîné une amélioration des taux d’immunisation, d’utilisation des moustiquaires, de lavage des mains, de stimulation des enfants, de sécurité alimentaire, ainsi qu’une baisse des pratiques disciplinaires négatives (NASEM, 2017). Certains participants aux ateliers ont posé la question de la durabilité de ces programmes une fois leur efficacité prouvée. Van Ravens a souligné la nécessité du financement permettant de maintenir ces programmes et l’utilité des fonds privés pour établir les services et les programmes, tout en insistant sur la nécessaire combinaison avec des sources publiques nationales durables (IOM et CNRC, 2015a). Ganguly a appuyé sur ce point, en affirmant que l’entrée du secteur privé dans la fourniture de services de base ne devait pas conduire l’État à renoncer à ses responsabilités (IOM et CNRC, 2015a). Elle a plaidé pour que les donateurs privés contribuent à un fonds géré par le gouvernement mais qui ne remplace pas le financement public. Son Altesse Royale la Princesse Sarah Zeid de Jordanie a indiqué que les actions dans les secteurs prioritaires identifiés ne seraient réalisables que si les mécanismes financiers permettaient un financement prévisible sur le long terme qui répond aux besoins sur le terrain où différents acteurs, tels que les organisateurs communautaires, les groupes de femmes et les leaders religieux, sont les plus à même d’atteindre les individus et les familles (NASEM, 2016a). De plus, Theresa Betancourt de la Harvard T.H. Chan School of Public Health, affirme qu’il faut une collaboration entre les acteurs des gouvernements locaux et les autres investisseurs, pour garantir la durabilité et l’intégration des programmes de développement infantile (NASEM, 2016d). Molina ajoute qu’une approche collaborative garantit une meilleure durabilité, une autonomisation de la communauté et une meilleure équité, comme constaté avec la Jamaica Home Visit Intervention (NASEM, 2015). 24 

SLOVAKIA 4 COMMENT INVESTIR DANS LES JEUNES ENFANTS COLOMBIA ET QUELLES SONT LES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES? Parmi les autres considérations sur le financement débattues lors des ateliers, on peut citer l’importance d’établir des règles d’engagement pour la coordination et la collaboration multisectorielles (NASEM, 2016a,d). Certains intervenants ont noté qu’aucun secteur individuel ne pouvait traiter intégralement tous les défis de la petite enfance. Réaliser des investissements fructueux et durables dans la petite enfance requiert au contraire du respect, de la transparence et de l’ouverture à la communication entre les secteurs. Le rôle des mesures L’importance de mesurer les résultats du développement infantile et la qualité des programmes, ainsi que le rôle approprié des évaluations, ont été débattus dans plusieurs ateliers du forum. L’Annexe D présente de nombreux instruments de mesure débattus au forum, tandis que l’Annexe E donne les descriptions de certains des programmes mis en avant lors des ateliers. Certains intervenants ont indiqué que les outils de mesure pouvaient aider à la conception et à l’évaluation d’une action, ainsi qu’au suivi des résultats de développement dans le temps, afin d’orienter la politique (IOM et CNRC, 2014 ; NASEM, 2016c). Abbie Raikes de l’UNICEF a préconisé les mesures comme méthode pour créer un langage commun et promouvoir l’équité, en s’assurant que tous les enfants sont comptabilisés et pris en compte (NASEM, 2016c). Elle stipule aussi que les mesures exploitent les données disponibles, ce qui permet de consolider le champ du développement de la petite enfance et fournit une feuille de route pour l’action et le changement. Elle privilégie l’utilisation combinée de données mondiales et nationales pour informer les politiques et programmes locaux, avec les évolutions des enfants idéalement mesurées au moyen d’outils pertinents dans la culture considérée et qui mesurent aussi le contexte (NASEM, 2016c). Tarun Dua de l’Organisation Mondiale de la Santé affirme que mesurer le développement infantile aide à éclairer le bien-être des jeunes enfants, à évaluer le niveau de compétences des enfants et à décider quels services encouragent un développement positif (IOM et CNRC, 2014). Mark Tomlinson de la Stellenbosch University a abordé les défis posés par les mesures (NASEM, 2016b). En résumé, il indique que les indices de développement positif et « d’épanouissement » sont plus difficiles à mesurer que les taux de « survie ». En effet, les taux de survie relatent les décès évitables, alors que les indices d’épanouissement évaluent la santé et le bien-être. De manière générale, les outils de mesure actuels n’évaluent pas de manière adéquate le contexte dans lequel les enfants évoluent, ce qui rend difficile la création d’actions mieux ciblées et plus efficaces et de programmes et de polices incitatives qui soutiennent le développement de la petite enfance. Outre les mesures au niveau des enfants, Heymann a abordé la nécessité de mesurer les politiques à grande échelle, ainsi que leur implémentation et leurs retombées (NASEM, 2016d). Elle a décrit l’importance de mesurer les trois de manière longitudinale, afin de relier les actions nationales aux retombées et d’apprendre ce qui marche le mieux et pourquoi. Patricia Kariger de la University of California, Berkeley, affirme qu’il faut une plateforme d’indicateurs complète et unique, ainsi qu’un ensemble principal d’indices pour améliorer la coordination et optimiser les efforts pour développer les programmes et politiques soutenant le développement et le bien-être des enfants (IOM et CNRC, 2014). Dua ajoute que pour la mise en œuvre des politiques de développement de l’enfance au niveau d’une population, les indices de mesure doivent être de même ampleur et de même portée (IOM et CNRC, 2014). 25