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6 Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur Ce rapport reflète des décennies dâengagement juridique et politique en ma- tière de harcèlement sexuel qui nâont pas permis de trouver une solution viable au problème. La couverture médiatique récente a fait état dâindividus qui ont été accusés de harcèlement sexuel à lâencontre de femmes, en particulier dans des cas flagrants dâagression et de coercition sexuelle, et de rapports de suivi sur la manière dont les organisations licencient ces individus. Cependant, le harcèlement sexuel nâest pas simplement un problème de comportement indi- viduel. Le climat organisationnel joue plutôt un rôle primordial dans la faci- litation et la permission du harcèlement. Le climat organisationnel est défini comme les perceptions communes au sein dâune organisation des politiques, pratiques et procédures en place (câest-à -dire, pourquoi elles sont en place, comment les gens les vivent, comment elles sont mises en Åuvre, quels sont les comportements dans lâorganisation qui sont récompensés, soutenus et attendus) (Schneider, Ehrhart et Macey 2013). Le climat organisationnel est le facteur le plus important pour déterminer si le harcèlement sexuel est susceptible de se produire dans un cadre de travail (voir le chapitre 2 au sujet des facteurs permettant de prédire que le harcèle- ment sexuel est susceptible de se produire). La mesure dans laquelle le climat dâune organisation particulière est considéré par les membres de lâorganisation comme permissif à lâégard du harcèlement sexuel est le facteur le plus étroite- ment lié à lâampleur du harcèlement sexuel dans lâorganisation (Willness, Steel
198 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES et Lee 2007). Dâaprès Hulin, Fitzgerald et Drasgow (1996), les caractéristiques des organisations dont le climat est permissif à lâégard du harcèlement sexuel sont les suivantes : ⢠risque perçu pour les victimes de dénoncer le harcèlement ; ⢠absence de sanctions contre les contrevenants, et ⢠la perception que les plaintes dâune personne ne seront pas prises au sérieux. Les environnements permissifs peuvent pousser les hommes qui sont sus- ceptibles de commettre des faits de harcèlement dâadopter ces comportements (Pryor, LaVie et Stoller 1993). De plus, le fait de penser quâune organisation est permissive en matière de harcèlement sexuel peut amener les femmes à hésiter à signaler le harcèlement parce quâelles pensent que leurs plaintes ne seront pas prises au sérieux ou quâelles feront lâobjet de représailles (Hulin, Fitzgerald et Drasgow 1996, Offerman et Malamut 2002). La perception des employé·e·s dâun climat organisationnel permissif en ma- tière de harcèlement sexuel est également associée à une baisse de la satisfac- tion professionnelle globale des employé·e·s et à une diminution de la satis- faction à lâégard des collègues et des superviseur·e·s (Fitzgerald, Drasgow et Magley 1999, Hesson-McInnis et Fitzgerald 1997, Settles et al. 2006). Dâautre part, un climat positif diminue le taux de harcèlement sexuel, réduit les repré- sailles contre ceux qui font face au harcèlement et le signalent, et se traduit par une meilleure santé psychologique et de meilleurs expériences de travail (Bu- chanan et al. 2014, Fitzgerald, Drasgow et al. 1997, Glomb et al. 1997, 1999, Wasti et al. 2000). Un climat organisationnel qui permet le harcèlement sexuel (lâun des trois types de harcèlement sexuel) peut être aussi préjudiciable à la réussite et à lâavancement professionnel des femmes que les formes les plus flagrantes de harcèlement sexuel.1 Une méta-analyse de 88 études sur le harcèlement sexuel, basée sur 93 échantillons indépendants qui ont recueilli les réponses de 73 877 femmes actives, a montré que « des expériences préjudiciables plus intenses 1â existe trois types de harcèlement sexuel : le harcèlement sexiste, les attentions sexuelles Il non désirées et la coercition sexuelle. Voir le chapitre 2 pour obtenir de plus amples des- criptions.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 199 mais moins fréquentes (par exemple, des faits de coercition sexuelle et des attentions sexuelles non désirées) et des expériences préjudiciables moins in- tenses mais plus fréquentes (qui, dans cette analyse, incluaient le harcèlement sexiste et le climat organisationnel sexiste quâil peut créer) avaient des effets négatifs similaires sur le bien-être des femmes » sur le lieu de travail (Sojo, Wood et Genet 2016, 132 ; voir également Settles et al. 2006). Le harcèlement sexiste est beaucoup plus courant que les autres types de har- cèlement sexuel. Pourtant, à ce jour, la plupart des institutions se sont concen- trées sur lâétude et la prévention des formes les plus prégnantes et sexualisées (coercition sexuelle et attentions sexuelles non désirées), en accordant moins dâattention au harcèlement sexiste le plus courant (consistant en une hostilité sexiste et un comportement grossier). Pour dresser un bilan complet du harcè- lement sexuel dans une organisation, il faut prêter attention à toutes les formes de harcèlement sexuel et au climat organisationnel qui facilite et permet ce comportement. Les mécanismes les plus courants pour traiter le harcèlement sexuel consistent à identifier les auteurs par le biais de rapports formels sur leurs mé- faits. Cependant, les recherches examinées au chapitre 4 montrent que les vic- times signalent rarement le harcèlement sexuel. Cela est particulièrement vrai pour le harcèlement sexiste (par exemple, Lonsway, Paynich et Hall 2013), dont beaucoup de personnes ne réalisent pas quâil sâagit dâune forme de harcèlement sexuel (Holland et Cortina 2013). Les mécanismes de plainte réactifs sont les seuls dans le processus dâintervention dans une institution, il est fort probable quâil ne soit pas pris en compte dans la majorité des cas. Ces mécanismes sont absolument nécessaires, mais loin dâêtre suffisants. Ils devraient être complétés par des efforts proactifs visant à rétablir le climat organisationnel qui tolère et facilite le harcèlement sexuel, en particulier le harcèlement sexiste de la part des professeur·e·s, du personnel et des stagiaires de lâenseignement supérieur. 2âSojo, Wood et Genet (2016, 13) utilisent lâexpression « climat organisationnel sexiste » pour désigner « les expériences dâattitudes négatives généralisées envers les femmes au sein de lâorganisation (par exemple, le fait de faire fréquemment des blagues sexistes, sans les contester, juger les femmes comme étant moins compétentes, exercer une pression sur les femmes pour quâelles modifient leur comportement afin de sâadapter au contexte pro- fessionnel) ».
200 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES Pour prévenir et lutter contre le harcèlement sexuel, il faut modifier le climat et la culture organisationnels dans lâenseignement supérieur à lâéchelle du sys- tème. Alors que le climat organisationnel est axé sur les perceptions communes au sein dâune organisation, la culture organisationnelle est définie comme « les croyances, les hypothèses et les valeurs collectives des membres de lâorganisa- tion » (Stamarski et Hing 2015, 7 ; voir également Trice et Beyer 1993, Settles et al. 2006, et Schein 2010). Idéalement, le climat reflète et soutient la culture de lâorganisation et, idéalement, la culture guide et donne le ton au climat que les membres dâune organisation vivent. Lâessentiel est que le climat et la culture doivent être abordés ensemble, car les efforts visant à instaurer un bon climat seront vains sâils entrent en conflit avec les croyances, les hypothèses et les valeurs dâune organisation. à lâinverse, se contenter de la « bonne » culture nâaboutira pas au résultat escompté si les processus et les procédures ne sont pas organisés autour dâobjectifs et de croyances collectifs et partagés (Schnei- der, Ehrhart et Macey 2013). Pour aborder la culture dâune organisation, il est essentiel de reconnaître que les cultures organisationnelles ne sont pas neutres ; elles reflètent plutôt les normes et les valeurs de ceux et celles qui occupent, ou ont occupé, des postes de direction dans les organisations et ces normes influencent les structures for- melles et informelles, la stratégie organisationnelle, les systèmes de ressources humaines et les climats organisationnels (Gelfand, Erez et Aycan 2007). Par conséquent, la culture organisationnelle ne peut être abordée de manière isolée. De plus, le leadership organisationnel et les signaux que les dirigeant·e·s en- voient en matière de civilité, de respect et de tolérance à lâégard du harcèlement sexuel, sont des indices puissants que les membres de lâorganisation prennent au sérieux â et ils adaptent leurs propres comportements (voire leurs attitudes) en conséquence. Ãtant donné lâimportance du climat organisationnel dans la prévention du harcèlement sexuel, ce chapitre se concentre sur six approches qui peuvent améliorer le climat organisationnel et ainsi prévenir le harcèlement sexuel. Ces approches, énumérées ici de la plus novatrice à la moins novatrice, sont celles quâune organisation qui sâest engagée à réduire ou à éliminer de manière signi- ficative le harcèlement sexuel dans le milieu universitaire devrait sâefforcer de mettre en Åuvre : ⢠créer un environnement diversifié, inclusif et respectueux ; ⢠diffuser la structure du pouvoir et réduire lâisolement ;
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 201 ⢠développer des structures et des systèmes de soutien pour les per- sonnes victimes de harcèlement sexuel ; ⢠améliorer la transparence et la responsabilité ; ⢠sâassurer quâil existe un leadership diversifié, efficace et responsable qui nâest pas ambigu sur son engagement à réduire et à éliminer le harcèlement ; ⢠mettre au point et recourir à des formations efficaces sur le harcèle- ment sexuel. à bien des égards, ces approches reflètent les trois priorités définies pour mettre fin à la violence sexiste par le Département dâÃtat américain et lâAgence américaine pour le développement international (2012). Ces priorités sont les suivantes : (1) prévention de la violence sexiste, pour éviter quâelle ne se pro- duise dans un premier temps et se répète, en travaillant avec les organisations locales, la société civile et les principaux acteurs de la communauté, y compris les hommes et les jeunes garçons ; (2) protection contre la violence sexiste en identifiant et en fournissant des services aux survivant·e·s une fois que la violence sâest produite ; et (3) la responsabilisation afin de garantir que les auteur·e·s de ces crimes soient poursuivi·e·s et pour mettre fin à lâimpunité en renforçant les systèmes juridiques et judiciaires. Ces concepts, la prévention, la protection et la responsabilisation, constituent également un raccourci utile sur la manière dont les institutions doivent lutter contre le harcèlement sexuel. Les sections suivantes de ce chapitre développent les six approches iden- tifiées par notre commission, en décrivant les raisons pour lesquelles elles peuvent améliorer le climat et en présentant des pratiques et des modèles pro- metteurs pour y parvenir. Ce chapitre aborde également lâimportance de me- surer les progrès et dâinciter les institutions à apporter des changements et à mettre en Åuvre ces approches. Il se termine par une section sur le rôle majeur joué par les organisations professionnelles et autres organisations qui facilitent la recherche et la formation dans la modification du climat et de la culture dans les domaines de la science, lâingénierie et de la médecine universitaires. Il convient de noter que si les preuves liées à de nombreuses approches pré- sentées dans ce chapitre ont démontré une amélioration des conséquences pour les femmes, il existe beaucoup moins de preuves du fait quâelles amélioreront
202 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES les répercussions pour les minorités ethniques et raciales, et les femmes appar- tenant aux minorités sexuelles et de genre. Il est possible que ces actions amé- liorent uniquement lâenvironnement pour les femmes blanches hétérosexuelles, ou quâil y ait des limites plus importantes à la façon dont ces efforts fonctionne- ront pour les femmes de couleur et celles appartenant à des minorités sexuelles et de genre. INSTAURER UN ENVIRONNEMENT DIVERSIFIÃ, INCLUSIF ET RESPECTUEUX Les environnements universitaires diversifiés, inclusifs et respectueux sont des milieux où les carrières sâépanouissent, mais pas le harcèlement sexuel. Ces environnements ont une culture qui valorise la diversité, lâinclusion et le res- pect, mais ils doivent également avoir un climat qui démontre que ces valeurs sont mises en pratique. Les environnements diversifiés et inclusifs sont ceux où les valeurs culturelles relatives à lâégalité des sexes et des races sâalignent sur un climat où les politiques et les pratiques ne désavantagent pas des groupes de personnes, les rendant ainsi incompatibles avec un comportement de harcèle- ment sexuel. De même, un environnement respectueux est celui dans lequel la civilité et le comportement respectueux au travail ne sont pas seulement valo- risés mais aussi évalués et récompensés, ce qui se reflète dans les politiques et les procédures. Un comportement respectueux est particulièrement important pour prévenir le harcèlement sexuel, car celui-ci se produit souvent sur fond dâincivilité3, câest-à -dire dans un environnement dâirrespect généralisé. Cela est particulièrement vrai pour le harcèlement sexuel car, lorsquâil se produit, câest pratiquement toujours dans des environnements où le taux dâincivilité est élevé (Cortina et al. 2002, Lim et Cortina 2005). Ainsi, la promotion et lâétablissement dâune culture du respect est un élément clé de la prévention du 3âLâincivilité fait référence à un « comportement déviant de faible gravité avec lâintention ambiguë de nuire à la personne ciblée, en violation des normes de respect mutuel sur le lieu de travail. Les comportements incivils sont caractérisés par leur impolitesse et leur manque de courtoisie, et témoignent dâun manque de considération pour les autres » (An- dersson et Pearson 1999, 457).
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 203 harcèlement sexuel. Cette section examine comment les valeurs culturelles de la diversité, de lâinclusion et du respect peuvent être intégrées dans les politiques, les procé- dures, les structures formelles et informelles, les stratégies organisationnelles et les systèmes de ressources humaines, dont beaucoup intègrent déjà des normes et des valeurs problématiques. Plus précisément, cette section examinera les structures de recrutement, dâévaluation et de récompense des professeur·e·s, ainsi que les interventions visant à créer et à promouvoir un environnement qui démontre quâil repense ses valeurs de diversité, dâinclusion et de respect. Il convient de noter que la majeure partie de cette section traite de la culture de lâenvironnement de travail dans lequel le corps professoral et le person- nel sont les acteurs principaux. En réalité, les étudiant·e·s représentent la plus grande partie de la population dâun établissement supérieur ou dâun campus universitaire, et les stratégies visant à faire face au changement culturel et à créer un climat dans lequel le harcèlement sexuel nâest pas toléré doivent éga- lement mettre lâaccent sur les étudiant·e·s. Câest pourquoi, nous demandons instamment que les établissements appliquent et évaluent un grand nombre des mêmes principes et interventions similaires décrites ci-dessous à la population étudiante. Nous nâétudierons pas en détail les mesures spécifiques que les cam- pus peuvent prendre pour aborder la question de la civilité et du respect entre étudiants, car la recherche est limitée dans ce domaine et parce que les change- ments au niveau du corps enseignant et du personnel sont susceptibles dâavoir des répercussions importantes sur le comportement des étudiant·e·s en classe, en formation et dans les milieux de recherche qui sont supervisés par le corps enseignant et le personnel. Initiatives en faveur de la diversité Nous constatons, quâà première vue, les initiatives en faveur de la diversi- té peuvent sembler sans rapport avec le harcèlement sexuel. Cependant, elles sont très prometteuses pour créer des environnements universitaires où les femmes ne sont pas désavantagées et où elles ne sont pas considérées comme moins légitimes ou moins compétentes en raison de leur sexe. Les initiatives en faveur de la diversité visent à relever les défis auxquels sont confrontés les groupes minoritaires lorsquâils travaillent et étudient dans un environnement où ils sont en minorité. Des preuves substantielles suggèrent que les individus
204 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES issus de groupes minoritaires, tels que les femmes de couleur, les hommes de couleur, les femmes blanches et les minorités sexuelles et de genre, ne peuvent pas exploiter tout leur potentiel dans leur travail. Au lieu de cela, ils doivent « changer leurs codes » pendant leur travail, câest-à -dire adopter les modèles de comportement, le discours, la tenue vestimentaire et les valeurs du groupe majoritaire. Câest une problématique particulièrement délicate pour les per- sonnes sâidentifiant comme des femmes car, tenter dâadopter les modèles de comportement masculins, peut conduire à les assimiler comme des personnes « autoritaires » ou des « bourreaux », et donc conduire à du harcèlement sexuel (Berdahl 2007b). Dans le même temps, éviter ces comportements peut entraver leur avancée professionnelle. Le fait de se conformer aux normes de la majorité nuit autant au travail quâà lâindividu. Les comportements de changement de code et de conformité conduisent les individus issus de groupes non majoritaires à devoir constam- ment se surveiller eux-mêmes, ce qui a été décrit comme un processus dâar- rière-plan constant, ce qui est distrayant et limitant lorsquâon essaie dâeffectuer un travail complexe (Hewlin 2009, Jones et Shorter-Bowen 2003, Johnson et al. 2016). En outre, la conformité signifie que les gens sont incapables de tirer parti de ces diverses expériences pour développer de nouvelles capacités de résolution des problèmes. Ce type de synergie a été documenté dans des lieux de travail très divers et a fait ses preuves. Ainsi, même lorsque les femmes sont présentes sur le lieu de travail, si elles sont confrontées à des difficultés pour sâorienter dans une culture dominée par les hommes, elles peuvent choisir de ne pas faire valoir leurs points de vue afin de ne pas remettre en cause la culture existante, ce qui signifie que leurs diverses perspectives peuvent ne pas être prises en compte dans le discours sur le lieu de travail (Van Kippenberg, Has- lam et Platow 2007, Van Kippenberg et van Ginkel 2010, Van Kippenberg, Van Ginkel et Homan 2013). Les initiatives en faveur de la diversité ont généralement deux objectifs : augmenter le nombre de travailleurs sous-représentés et créer une synergie entre des personnes dâorigines diverses (Dwertmann, Nishii et Knippenberg 2016). Ãtant donné que la majorité des membres sâattendent à éprouver un sen- timent dâappartenance à leur organisation, les initiatives en faveur de la diver- sité peuvent être ressenties comme une menace pour leur sentiment dâidentité et leur place sur le lieu de travail. Les organisations doivent donc sâattendre à une certaine résistance aux initiatives de diversité et élaborer des plans pour
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 205 cultiver le soutien à ces initiatives de la part de la communauté du campus. La résistance aux initiatives de diversité, et plus généralement aux lieux de travail diversifiés, peut aller dâactes subtils dâincivilité à des formes plus extrêmes de sape dâune institution (Hebl, Madera et King 2008). Il existe plusieurs inter- ventions visant à accroître les croyances et les attitudes favorables à la diver- sité parmi les membres majoritaires dâune organisation (van Veelen, Otten et Hansen 2014, Courtois et al. 2014), notamment en ce qui concerne le change- ment dâattitude à lâégard de lâégalitarisme. Ces travaux soulignent lâimportance dâadopter une approche ascendante qui repose sur le soutien de la communauté du campus plutôt que sur celui des individus au sommet pour changer la culture dâune institution. Il révèle également comment la création de mandats poli- tiques descendants, qui ignorent les étapes importantes de la construction dâun consensus et de lâappréciation de lâimportance dâun lieu de travail respectueux, peut conduire au ressentiment et/ou à une mauvaise interprétation. La section suivante aborde certaines approches spécifiques pour améliorer la diversité en apportant des changements aux pratiques dâembauche du corps enseignant. Recrutement, évaluation et récompense des professeur·e·s Les décisions de recrutement et de promotion des professeur·e·s sont des points clés du système universitaire où les changements de politiques et de pratiques peuvent avoir un effet significatif sur lâamélioration de la diversité et du respect. Ãtant donné que lâun des principaux indicateurs de harcèlement sexuel est un contexte organisationnel dominé par les hommes (voir le chapitre 2, USMSPB 1995, Fitzgerald et al. 1997, Berdahl 2007b, Willness, Steel et Lee 2007, Schneider, Pryor et Fitzgerald 2011, Kabat-Farr et Cortina 2014), il est important dâaborder la question de la diversité des sexes dans le milieu uni- versitaire. Les contextes organisationnels à prédominance masculine sont ceux où les hommes sont numériquement majoritaires, où les hommes occupent des rôles dâautorité et où les femmes, parfois, travaillent dans des domaines tradi- tionnellement masculins ; ce sont ces contextes qui ont tendance à présenter des taux plus élevés de harcèlement sexuel. Deux mesures importantes permettant de corriger ce problème sont de parvenir à un niveau conséquent de femmes à tous les niveaux4 et la modification des politiques et des pratiques qui empêchent 4â masse critique est souvent définie comme le fait que les femmes représentent 30% de La
206 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES les femmes dâintégrer le milieu universitaire et dây faire carrière. En dâautres termes, les départements des sciences et dâingénierie et les centres médicaux universitaires qui embauchent plus de femmes, promeuvent plus de femmes, et intègrent plus de femmes à tous les niveaux de la structure du pouvoir univer- sitaire, pourraient voir le harcèlement diminuer, entre autres avantages. Pour poursuivre les initiatives visant à diversifier le lieu de travail, lâobjectif devrait être de créer des lieux de travail « bien intégrés, structurellement égalitaires » dans lesquels les femmes et les hommes partagent le pouvoir et lâautorité de manière égale (Schultz 2003). Pour ce faire, les organisations doivent aligner leurs politiques et leurs processus de manière à ce quâils reflètent les valeurs culturelles de lâorganisation, à savoir que les femmes et les hommes sont égaux et que les personnes doivent être traitées avec respect. Ainsi, il faut notamment réduire les préjugés dans les processus dâembauche et de promotion, prendre en compte les points de vue et actions des candidat·e·s sur lâamélioration de la diversité et de lâinclusion, et évaluer le corps professoral en termes de coopéra- tion, de comportement respectueux au travail et de professionnalisme. La parité des sexes, en particulier au sein du corps enseignant, est particu- lièrement importante, étant donné que les professeur·e·s dirigent et donnent le ton dans les laboratoires, les équipes médicales, les salles de classe, les dé- partements et les écoles. Un grand nombre de recherches en sciences sociales mettent en évidence des pratiques qui peuvent améliorer la diversité des sexes et lâexcellence dans le recrutement du corps enseignant. Parmi les pratiques fondées sur des données probantes5 soutenues par ces recherches, on peut citer les suivantes6 : ⢠former les comités dâembauche du corps enseignant, en accordant une attention particulière à la manière de se protéger contre les préjugés la population dans un milieu donné (Stewart, La Vaque-Manty et Malley 2004, 2007, Va- lian 1999, Newton-Small 2017). 5âCes pratiques dâembauche fondées sur des données probantes sont résumées dans un ma- nuel créé par lâADVANCE Program de lâUniversité du Michigan dans le but dâaccroître à la fois la diversité et lâexcellence du corps enseignant. Disponible à lâadresse http://ad- vance.umich.edu/resources/handbook.pdf. 6âDâautres pratiques qui reflètent cette recherche fondée sur des données probantes en mi- lieu universitaire sont également disponibles pour lâindustrie et les entreprises ; voir http:// projectinclude.org/hiring#.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 207 qui pourraient influencer la prise de décision7; ⢠prendre des mesures actives et continues pour diversifier le vivier de candidat·e·s ; ⢠il sâagit dâune stratégie connue pour augmenter le nombre de candida- tures féminines et de candidat·e·s de couleur. ⢠élaborer des critères dâembauche pertinents pour lâemploi et maintenir ces critères au centre des discussions sur lâembauche (en réduisant les chances que les préjugés liés au sexe, à la race et à lâappartenance ethnique influencent ces discussions) ; ⢠utiliser un outil standardisé pour évaluer les candidat·e·s en fonction des critères dâembauche. Lorsque les établissements recrutent de nouve·aux·lles professeur·e·s et em- ployé·e·s, il peut être utile dâêtre clair sur les normes et les standards de com- portement liés au professionnalisme, au comportement respectueux au travail, à lâéquité et à lâinclusion qui sont attendus et que lâorganisation recherche. En outre, les comités de recrutement peuvent prendre en compte la capacité du candidat à répondre aux attentes de lâorganisation en matière de comportement, en se basant sur les expériences préalables du candidat, les lettres de soutien, les vérifications des références et les réponses aux questions dâentretien. Les pratiques dâembauche prometteuses pour évaluer les valeurs et les comporte- ments dâun candidat·e sur la base de la diversité, de lâinclusion, du profession- nalisme et du respect sont notamment les suivantes : ⢠exiger des déclarations sur la diversité et lâinclusion de la part du corps enseignant et des dirigeant·e·s, en leur demandant dâaborder explicite- ment non seulement leurs propres convictions sur la diversité mais aus- si leurs antécédents en matière de soutien à la diversité8 (par exemple, leurs propres actions ont porté sur lâélargissement de la participation des femmes et des personnes de couleur). On peut également deman- der aux candidats dâaborder la nature et lâimpact de la diversité au sein 7â V ir, par exemple, lâatelier de recrutement de professeurs STRIDE, lancé à lâUniversité o du Michigan, à lâadresse http://advance.umich.edu/. 8â cours de lâétude, la commission a eu connaissance de plusieurs départements de di- Au verses institutions universitaires qui demandent de telles déclarations. La commission nâa connaissance dâaucune recherche qui documente lâétendue de cette pratique.
208 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES de leurs disciplines universitaires, qui peuvent ensuite être abordés directement lors des entretiens ; ⢠exiger que les lettres de recommandation portent sur les capacités de leadership des candidat·e·s en termes de professionnalisme et de com- portement respectueux au travail ; ⢠poser aux candidat·e·s des questions directes sur le rôle du comporte- ment respectueux au travail parmi tous les membres de lâunité acadé- mique et comment ils réagiraient, en tant que leader, sâils·elles étaient témoins dâun comportement de harcèlement parmi les étudiant·e·s, les stagiaires, le corps enseignant ou le personnel. Des questions simi- laires pourraient être posées à dâautres personnes (par exemple, dâan- ciens membres du personnel ou des étudiant·e·s) qui ont travaillé en étroite collaboration avec le·la candidat·e à lâemploi. Dans les cas où un·e candidat·e a des antécédents de comportements non conformes aux valeurs et aux attentes de lâétablissement, il est de bonne pra- tique que lâétablissement examine si le fait de lâembaucher ne va pas à lâen- contre des valeurs et des objectifs de lâorganisation. Si elle décide dâengager une personne ayant de tels antécédents, lâinstitution pourrait envisager de re- courir à une mise à lâépreuve ou à des mesures de précaution pour empêcher tout comportement futur, et devrait, au moins, être très claire sur les normes de comportement de lâorganisation. Les institutions peuvent également vouloir examiner comment les antécédents du candidat, ou de la candidate, pourraient influencer le climat et la culture dans un département, un programme, ou dans lâensemble de lâinstitution, et examiner lâeffet produit sur les personnes qui ont déjà été victimes de harcèlement sexuel. Des pratiques dâembauche telles que celles examinées dans cette section pourraient contribuer à recruter et à retenir davantage de femmes dans des do- maines dominés par les hommes, ce qui pourrait contribuer à la réduction du harcèlement sexuel. Cependant, il est essentiel de faire plus que « ajouter des femmes et remuer » (Martin et Meyerson 1988) ; un travail supplémentaire est nécessaire pour aligner la culture, ou les valeurs de lâinstitution, sur ses poli- tiques et pratiques. Avec cet objectif à lâesprit, nous nous tournons maintenant vers les questions dâévaluation du corps professoral en matière de coopération, de comportement respectueux au travail et de professionnalisme.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 209 Structures dâévaluation et de récompense des professeur·e·s Axer les structures dâévaluation et de récompense sur la coopération, le comportement respectueux au travail et le professionnalisme plutôt que sur les seules mesures des performances de lâenseignement et de la recherche au ni- veau individuel pourrait avoir un impact significatif sur lâamélioration de lâen- vironnement dans le monde universitaire. Selon Jayne et Dipboye (2004, 415) : Lorsque la tâche et les récompenses exigent des personnes quâelles coopèrent, lâappartenance à lâorganisation et à lâéquipe devient plus importante que les différences démographiques entre les individus... Les conceptions compétitives ou individualistes des tâches, les structures de récompense, les pratiques dâévaluation des performances et les systèmes de rémunération créent des obstacles à lâinteraction coopérative et empêchent de tirer profit de tous les bénéfices de la diversité. Les mesures visant à favoriser une culture de coopération comprennent lâaccent mis par les dirigeants sur le bien commun, la rémunération des employé·e·s en fonction des résultats de lâorganisation ou du groupe, la collecte dâinformations sur les performances des membres du groupe sous différents angles (par exemple, les pairs, les clients, les subordonnés) et la célébration régulière des succès. Cette orientation vers la collaboration et la coopération remet en question la façon dont de nombreux établissements universitaires organisent leurs proces- sus de recrutement, de mérite et de promotion des professeur·e·s. Cependant, lorsque les membres du corps enseignant jouent un rôle de leader et sâengagent dans leur recherche, ou leur enseignement, avec des équipes (y compris des sta- giaires), des laboratoires, des groupes de stagiaires en médecine, etc., il peut y avoir des possibilités dâévaluer et de récompenser un comportement collabora- tif, respectueux et professionnel (par exemple, en incluant des mesures de coo- pération, en sollicitant un retour dâinformation de la part des subordonné·e·s et des stagiaires dans le cadre de processus dâévaluation réguliers). Les mesures que les établissements dâenseignement supérieur et les universités pourraient prendre pour favoriser une plus grande coopération, un comportement respec- tueux et un professionnalisme accru au niveau du corps enseignant et du per- sonnel sont les suivantes : ⢠évaluer régulièrement le corps enseignant (pas seulement aux mo- ments clés de la transition, comme la titularisation) pour vérifier la coopération, le comportement respectueux au travail et le profession-
210 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES nalisme ; ⢠évaluer les candidat·e·s aux postes de distinction (par exemple, les postes de présidence, de professeur·e·s émérites) pour leur coopéra- tion, leur comportement respectueux au travail et leur professionna- lisme. ⢠recueillir les réactions de tous les membres des unités (câest-à -dire, y compris les étudiant·e·s, les membres personnel), en prêtant attention à la coopération, au respect et au professionnalisme, lors de lâévalua- tion des candidat·e·s à des postes de tous niveaux. Dans certaines institutions, une évolution vers une plus grande coopéra- tion et un plus grand professionnalisme nécessite un changement dans la « star culture » académique qui protège les « mauvais acteurs ». La « star culture » académique fait référence aux croyances ou aux hypothèses selon lesquelles des universitaires bien connu·e·s sur le campus, qui disposent de ressources importantes, peuvent fonctionner sans que les règles les plus élémentaires ne leur soient imposées.9 Les récents scandales de harcèlement sexuel dans le mi- lieu universitaire ont révélé les problèmes de la « star culture » lorsque des sommités dans des domaines à prédominance masculine se seraient livrées à des années de harcèlement sexuel avec une relative impunité (par exemple, Geoffrey Marcy, Brian Richmond, David Marchant et John Searle). Pour quâun véritable changement se produise dans le milieu universitaire, les normes et les règles (et les conséquences de leur violation) devraient sâappliquer à tous les membres de la communauté du campus, quels que soient leur renommée et leur financement. Encourager le respect et la civilité Timmerman et Bajema (2000, 190) ont défini un climat social positif comme un climat orienté vers les employé·e·s qui « se préoccupe des gens, respecte les travailleurs et travailleuses et sâintéresse aux problèmes personnels des em- 9âNational Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, Atelier sur les stratégies permettant de lutter contre le harcèlement sexuel dans les domaines des sciences, de lâin- génierie et de la médecine universitaires (2017) (témoignage de Jan Sepler). Disponible sur le site http://sites.nationalacademies.org/PGA/cwsem/shstudy/PGA_177869.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 211 ployé·e·s ». En étudiant ces climats sociaux aussi positifs, ils ont constaté que les répondant·e·s qui indiquaient que leurs entreprises instauraient un climat social plus positif qui avait à cÅur de promouvoir lâégalité femmes-hommes dans le cadre professionnel, et quâelles soutenaient des politiques favorables à la famille, ont signalé moins de cas de comportements sexuels inopportuns sur le lieu de travail. Par conséquent, une des approches clés visant à préve- nir le harcèlement sexuel devrait consister à cultiver un climat social positif et respectueux à tous les niveaux dans le milieu universitaire. Un tel objectif est en phase avec les missions éducatives des structures dâenseignement. Il est également conforme aux recommandations des coprésident·e·s du groupe de travail sur lâétude du harcèlement sur le lieu de travail de la Commission pour lâégalité des chances dans lâemploi (EEOC) de 2016 ; il a été recommandé une formation professionnelle articulée autour des notions de respect et de civilité. Lâincivilité est définie par les individus qui étudient le harcèlement au travail comme « des actes impolis, condescendants et vecteurs dâexclusion qui violent les normes en matière de respect sur le lieu de travail, mais qui semblent par ailleurs banals » (Cortina et al., 2017, 55). Lorsque le terme est utilisé par ces chercheur·e·s, il décrit des actes dâindividus qui occupent des postes de pou- voir, comme une forme dâoppression contre les femmes, les personnes de cou- leur et dâautres minorités (Cortina 2008). Certain·e·s chercheur·e·s craignent que la notion dâinterventions de « civilité » nâaltère la liberté dâexpression et la critique (par exemple, Calabrese 2015, Scott 2015). Ils préconisent une analyse critique de la notion dâincivilité, en portant une attention toute particulière à la puissance, et aux individus qui affirment que lâincivilité se produit. En effet, lorsque des appels à la civilité émanent des dirigeant·e·s, dans le but de faire taire les voix en dessous, cela est profondément problématique. Dans le monde universitaire, les débats récents sur la civilité par rapport à la liberté dâexpres- sion ont été particulièrement animés lorsque des dirigeant·e·s universitaires ont exprimé des points de vue qui semblent faire de la civilité une condition pré- alable à lâéchange libre et ouvert dâidées (Cortina et al. 2017). Toutefois, les appels à la civilité ne proviennent pas seulement du sommet de lâorganisation et ne doivent pas non plus viser la censure. Par exemple, « les psychologues de la santé au travail encouragent les appels à la civilité lancés par les parties pre- nantes à tous les niveaux (y compris, mais sans sây limiter, par les dirigeant·e·s) dans le but de protéger la santé et le bien-être de la main-dâÅuvre ; lâobjectif est de créer des conditions de travail dignes pour toutes les personnes, en par-
212 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES ticulier celles qui appartiennent à une minorité » (Cortina et al. 2017, 308). La communauté universitaire gagnerait à poursuivre le débat sur la manière dâévaluer la civilité et de prendre en considération la manière dont le pouvoir influence la signification du terme. Les spécialistes du harcèlement recommandent depuis longtemps aux orga- nisations de combiner les efforts de lutte contre le harcèlement avec des pro- grammes de promotion de la civilité (Cortina et al. 2002, Lim et Cortina 2005). Comme lâexpliquent Cortina et ses collègues (2002, 307), une telle stratégie intégrée « reflèterait de manière plus adéquate la nature multidimensionnelle de la maltraitance interpersonnelle, qui se décline en général, selon le sexe et la sexualité. De tels programmes attireraient également un public plus large, en étant pertinents pour les femmes et les hommes et en évitant la résistance rencontrée par des interventions qui ciblent exclusivement... le harcèlement sexuel ». Lâobjectif serait dâéliminer tous les éléments dâun environnement de travail hostile, quâils soient génériques, fondés sur le sexe, lâorigine raciale ou ethnique, ou dâautres facteurs. Bien quâil existe de nombreux exemples de programmes de respect et de civilité sur le lieu de travail qui ont été couronnés de succès, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer sâil sâagit dâune bonne pratique pour réduire et prévenir le harcèlement sexuel. Les interventions réussies en matière de respect et de civilité sur le lieu de tra- vail mettent lâaccent sur la formation, en passant dâun aspect punitif au renfor- cement positif, en mettant en évidence les comportements que les employé·e·s devraient adopter plutôt que ceux quâil·elle·s devraient éviter (comme le har- cèlement sexuel). Par ailleurs, certaines de ces interventions ont démontré leur efficacité. Plus précisément, le programme CREW (Civility, Respect, and En- gagement at Work) (Leiter et al. 2011) est à lâorigine une intervention intensive de six mois dans les hôpitaux pour vétérans et vise à améliorer la conscience interpersonnelle et les compétences de communication des employé·e·s. CREW est à la fois un programme rigoureux et structuré, mais il sâadapte également aux besoins distincts de chaque groupe ou équipe de travail. Cette intervention implique de tenir des réunions dâéquipe hebdomadaires ou bi- hebdomadaires â animées par une personne formée â pour établir des normes communes à lâunité. Le groupe fait un brainstorming sur les comportements spécifiques qui témoignent de respect et dâirrespect, ce qui permet dâétablir une liste de points forts et de domaines de préoccupation. Les participant·e·s
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 213 sâengagent dans des exercices structurés (tirés de la « boîte à outils CREW ») pour pratiquer des façons dâagir positives et respectueuses. Le groupe élabore ensuite collectivement un plan dâaction, qui est mis en Åuvre, évalué et modifié selon les besoins. Le groupe continue à se réunir régulièrement pour effectuer des exercices structurés, fixer des objectifs et évaluer les progrès. Ces réunions visent à promouvoir le travail dâéquipe et à renforcer le respect et la confiance entre les membres, ainsi quâà réduire lâabsentéisme et lâincidence globale des incivilités sur le lieu de travail (par exemple Laschinger et al. 2012, Leiter et al. 2011, Osatuke et al. 2009). On ignore encore si des interventions plus courtes peuvent produire des changements similaires. Des études de terrain sur lâintervention CREW dans les établissements de soins de santé ont montré que celle-ci était efficace pour accroître le niveau de respect (Laschinger et al. 2012, Leiter et al. 2011, Osatuke et al. 2009). Par exemple, Leiter et ses collègues (2011) ont documenté les effets significatifs de CREW tel quâil est mis en Åuvre dans les services des hôpitaux. Après six mois dâintervention, les avantages comprenaient non seulement une diminu- tion des échanges incivils et davantage de civilité, mais aussi une diminution de lâépuisement professionnel, une baisse de lâabsentéisme et une hausse de la confiance, de lâengagement et de la satisfaction des employé·e·s au sein de lâorganisation. Il reste à savoir si des interventions telles que CREW, de concert avec dâautres efforts de lutte contre le harcèlement, peuvent être des outils ef- ficaces contre le harcèlement sexuel dans les milieux de travail universitaires. Réduire les préjugés et répondre au harcèlement â Lâintervention des témoins Une organisation qui sâengage à améliorer le climat organisationnel doit sâattaquer aux problèmes de partialité dans le milieu universitaire. Les préjugés sont profondément enracinés dans notre société et les différences de réaction entre les femmes et les hommes sont le résultat dâun comportement sexuel à long terme (Devine 1989). Les individus ne sont souvent pas conscients de ces réponses implicites, qui peuvent être en contradiction avec leurs croyances conscientes. Parmi les exemples de ces préjugés dans les pratiques organisa- tionnelles, on peut citer la pratique consistant à interrompre agressivement les orateurs, ou oratrices, des séminaires pendant les entretiens ministériels ou à exiger la disponibilité du travail tôt le matin, le soir, ou pendant les week-ends
214 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES sans tenir compte des circonstances familiales. Les recherches suggèrent for- tement que ces modèles ont un effet déterminé par le genre qui sera beaucoup plus difficile pour les femmes qui présentent leurs recherches ou parlent dans les réunions et pour la réussite globale des mères au travail (Bernard et Correll 2010, Karpowitz et Mendelberg 2014, Stamarski et Hing 2015). Des recherches ont montré que lâévaluation de lâexpertise des scientifiques et des ingénieur·e·s, femmes et hommes, dépend fortement du sexe et de lâiden- tification sexuelle des personnes qui font lâévaluation (Joshi 2014). Les can- didates très instruites sont considérées comme plus qualifiées par les exami- natrices, plus que par les examinateurs dans les domaines des sciences et de lâingénierie. De plus, les hommes, qui sâidentifient fortement à leur identité sexuelle, sont plus susceptibles de donner une note plus négative à une femme très instruite quâà une femme moins instruite. Dans une analyse de la recherche sur les préjugés et la discrimination à lâégard des femmes dans les domaines des sciences et de lâingénierie, lâAsso- ciation américaine pour lâavancement des sciences a noté que lâétablissement dâune « culture des préjugés » est un précurseur important pour des actions dâintervention efficaces (Sevo et Chubin 2008). La littérature suggère égale- ment quâen plus dâêtre conscients des comportements problématiques, les in- dividus doivent apprendre à adopter délibérément de nouveaux comportements jusquâà ce quâils deviennent habituels (Bandura 1991). Lâapproche consistant à rompre lâhabitude pour réduire les préjugés a été couronnée de succès dans le cadre dâune formation à la lutte contre les pré- jugés raciaux (Devine et al. 2012). En sâinspirant de ces travaux antérieurs, des chercheur·e·s de lâUniversité du Wisconsin ont conçu un atelier pour des membres du corps enseignant sélectionnés en sciences, technologie, ingénie- rie, mathématiques et médecine (STEMM) afin dâaccroître la connaissance des préjugés10 et dâencourager un changement intentionnel des préjugés (Carnes et al. 2012). Les individus qui ont participé à des ateliers sur les interventions visant à réduire les préjugés sexistes ont démontré des changements de compor- tement positifs, notamment une plus grande prise de conscience personnelle, 10â terme « culture des préjugés » est un concept inventé par lâAssociation américaine Le pour le progrès de la science, qui souligne que lâalphabétisation dans un domaine donné est une condition préalable à lâaction (Sevo et Chubin 2008).
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 215 une motivation interne, la perception des avantages et le succès de lâadoption de comportements favorisant lâéquité entre les sexes (Carnes et al. 2015). En outre, lorsquâune masse critique a participé aux ateliers (au moins 25% du corps enseignant dâun département), les actions affichées, prises pour promou- voir lâéquité entre les sexes, ont augmenté de manière significative. Cette étude indique que lorsquâune formation est dispensée pour réduire les préjugés per- sonnels, les comportements des départements à plus grande échelle peuvent changer dans un cadre universitaire. Idéalement, un changement de culture permettrait dâéviter les préjugés et dâagir sur ces préjugés à lâégard des femmes, ce qui réduirait les taux de har- cèlement sexuel. Il serait toutefois irréaliste de sâattendre à ce que ces préjugés soient totalement éradiqués. Il est donc important que les dirigeant·e·s et les membres des établissements dâenseignement supérieur réfléchissent également à la manière de réagir lorsque les préjugés se transforment en harcèlement. Une réponse appropriée et efficace nécessite certaines compétences, qui peuvent être acquises par la formation. La formation à lâintervention des témoins, par exemple, est un outil impor- tant pour apprendre aux gens comment réagir lorsquâils constatent un com- portement problématique. Elle est de plus en plus souvent présentée comme un outil permettant de réduire les comportements sexuels répréhensibles, en particulier dans des contextes connus pour leur taux élevé dâinconduite (par exemple, les campus universitaires). Les témoins sont des personnes qui constatent un incident et ont la possibilité de lâintercepter. Comme lâexpliquent Holland, Rabelo et Cortina (2016), lâintervention des témoins dans des situa- tions sociales ou sexuelles problématiques comporte cinq étapes essentielles : (1) remarquer lâévénement, (2) lâinterpréter comme problématique, (3) assu- mer la responsabilité personnelle dâintervenir dâune manière ou dâune autre, (4) décider de la manière dâintervenir et (5) agir en fonction de cette décision. Ces étapes sâappliquent à un large éventail de situations problématiques, y compris les situations sexuelles. La recherche a identifié de nombreuses façons dont les témoins peuvent in- tervenir. Les interventions peuvent être directes ou indirectes, impliquer les au- teur·e·s, les victimes ou dâautres témoins, et avoir lieu avant, pendant ou après, les incidents problématiques (Holland, Rabelo et Cortina 2016). Par exemple, les témoins peuvent assumer de confronter directement un·e auteur·e·s de har-
216 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES cèlement sexuel, soustraire directement une victime dâune situation de harcè- lement, ou aider indirectement en trouvant quelquâun dâautre pour intervenir (par exemple, un·e ami·e de la victime, une personne en position dâautorité). Lâéducation des témoins permet de doter les personnes des compétences néces- saires pour entreprendre de telles actions. La mise en Åuvre et lâévaluation de ces modèles dâéducation se sont révélées efficaces pour améliorer les connais- sances sur la violence sexuelle, cesser dâapprouver les mythes autour du viol et augmenter la probabilité que les témoins interviennent, du moins chez les étu- diant·e·s, femmes et hommes (voir, par exemple, Banyard, Plante et Moynihan 2004, Banyard, Moynihan et Plante 2007). On ne sait pas si des programmes de formation comme celui-ci seraient aussi efficaces pour changer les attitudes et les comportements en matière de harcè- lement sexuel chez les dirigeant·e·s, le corps enseignant et le personnel univer- sitaires, mais ce modèle dâéducation des témoins est prometteur (Feldblum et Lipnic 2016). Une autre manière dâéduquer les témoins concerne lâexpression des préjugés de manière plus générale (câest-à -dire sans se limiter au harcèlement sexuel). Conçue pour montrer aux participant·e·s comment reconnaître et signaler un comportement problématique, cette formation sâarticule autour de deux mo- dèles : Confronting Prejudiced Responses (faire face aux préjugés) (CPR) et Behavior Modeling Training (formation de modèle de comportement) (BMT). La RCP permet dâaider les participant·e·s à la formation à comprendre les facteurs qui favorisent et entravent la lutte contre la discrimination ou tout autre comportement offensant. Le modèle de RCP reconnaît les nombreux défis quâune personne peut rencontrer lorsquâelle est confrontée à la discrimination en formant un témoin à passer par une série dâétapes avant de décider si et comment intervenir. Tout dâabord, une personne doit décider si lâaction est dis- criminatoire, puis évaluer si la situation est urgente, décider si elle veut prendre la responsabilité dâintervenir par elle-même, identifier une réaction appropriée et, enfin, décider si elle doit agir ou non avant de faire face à la discrimination (Ashburn-Nardo, Morris et Goodwin 2008). Le BMT est plus concret dans la description des compétences spécifiques que les participant·e·s doivent acquérir et fait partie de la méthodologie de formation en milieu organisationnel depuis les années 1970 (Goldstein et Sor- cher 1974). Dans la formation BMT, les participant·e·s voient des modèles de
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 217 comportement de ces compétences, pratiquent ou répètent les comportements observés dans un cadre sûr, puis transfèrent ces compétences dans leur environ- nement de travail (Decker et Nathan 1985, Goldstein et Sorcher 1974, Taylor, Russ-Eft, et Chan 2005). La RCP et le BMT ne sont que deux exemples de formations axées sur les compétences et centrées sur lâintervention des témoins. Il en existe dâautres, et différents programmes encouragent lâintervention dans différents types de situations sociales, sexuelles ou criminelles. Le message sous-jacent à la for- mation des témoins est quâelle favorise une culture du soutien et non du si- lence. En dénonçant les comportements négatifs dans un établissement, tous les membres dâune communauté universitaire contribuent à créer une culture dans laquelle les comportements abusifs sont considérés comme une aberration et non comme la norme (Banyard 2015). DIFFUSER LA STRUCTURE DU POUVOIR ET RÃDUIRE LâISOLEMENT Comme exposé dans les chapitres 2 et 3, les environnements dans lesquels les individus sont isolés en raison de différences significatives en termes de pouvoir sont plus enclins à encourager et alimenter le harcèlement sexuel. Cet isolement du pouvoir se produit lorsquâil existe un déséquilibre majeur dans les relations de pouvoir : un individu détient suffisamment de pouvoir et dâautorité sur lâautre et empêche lâautre individu dâaller chercher de lâaide auprès dâautres personnes, sans risquer de subir des représailles potentiellement graves. En ce qui concerne le harcèlement sexuel dans les domaines de la science, lâingénie- rie et la médecine, ces faits surviennent dans le cas où le pouvoir est fortement concentré par une seule et même personne, peut-être parce que cette personne réussit à attirer des fonds pour la recherche (câest-à -dire dans le « star power » académique) ou parce que cette personne peut influencer les choix de carrière des individus quâil·elle supervise et les étudiant·e·s, ou employé·e·s, ont le sentiment que révéler le harcèlement sexuel nuira à leurs vies personnelle et professionnelle (Nelson et al. 2017). Si une organisation a pour objectif de réduire le risque de harcèlement sexuel et à créer un climat qui ne tolère pas le harcèlement sexuel, il convient de veiller à diffuser le pouvoir dont les au- teur·e·s de harcèlement sexuel tirent parti. Si lâon ne sâattache pas à remédier
218 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES à ce déséquilibre, les victimes de harcèlement sexuel resteront susceptibles de subir de la coercition et des représailles et seront persuadées que les auteur·e·s dâagression en position de pouvoir seront pris plus au sérieux uniquement lors- quâelles signalent les faits : deux caractéristiques des structures qui sont tolé- rantes à lâégard du harcèlement sexuel. Les mécanismes qui diffusent plus largement le pouvoir parmi les profes- seur·e·s et les stagiaires (câest-à -dire les étudiant·e·s de deuxième cycle, les chercheur·e·s postdoctoraux et les internes en médecine) peuvent avoir lâeffet salutaire dâouvrir la culture intellectuelle de la même manière quâil réduit le risque de harcèlement sexuel. Une approche de diffusion du pouvoir consiste à faire usage du leadership égalitaire, par opposition avec le style autoritaire avec lequel la plupart des individus sont familiers (câest-à -dire lorsquâune personne édicte des politiques, procédures, objectifs et activités sans aucune participa- tion significative de la part les individus placés plus bas dans la hiérarchie). Le style transformationnel, un des trois styles de leadership égalitaires11 peut se définir comme le fait dâinspirer les employé·e·s à faire plus que ce qui est initia- lement attendu. Or, les recherches ont démontré que câest significativement et positivement associé à la productivité des équipes (Flood et al. 2000). Lâusage et lâencouragement dâune forme plus égalitaire de leadership pourrait réduire le risque de harcèlement sexuel car les subordonné·e·s seraient traité·e·s à égalité avec lâexpérience et lâexpertise pour contribuer au travail. En outre, Nelson et ses confrères (2017) ont montré des exemples de styles de leadership égalitaires dans le champ de la recherche associés à des environnements positifs au cours desquels le harcèlement sexuel a été évité ou traité de manière responsable. Les caractéristiques de ces sites incluent la valorisation de toutes les perspectives, mêmes celles des étudiant·e·s de deuxième cycle les moins noté·e·s (câest-à - dire à qui on va demander leur avis au lieu de les écarter), lâaccessibilité de ceux et celles qui se rapprochent du pouvoir, la répartition égale des taches, le fait dâavoir une culture explicite qui invite à veiller sur autrui, et faire en sorte que chaque personne puisse participer. De telles approches égalitaires per- mettent de maintenir le respect pour lâexpérience et lâexpertise mais permettent également aux scientifiques de contribuer à un projet et son leadership. Cette 11â trois styles sont les suivants : transactionnel, transformationnel et laisser-faire (Flood Les et al. 2000).
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 219 forme de culture intellectuelle ouverte peut être encouragée par lâamélioration du contrôle et de la formation des leaders, particulièrement dans les espaces séparés entre les salles de classe et les locaux destinés à la recherche au sein de lâétablissement. Les établissements supérieurs et les universités peuvent également prendre en compte les mécanismes de diffusion du pouvoir entre les conseiller·e·s/ mentor·e·s et les mentoré·e·s. Un encadrement simple et dyadique place non seulement des attentes excessives sur le simple fait quâune relation peut soute- nir et améliorer tout un champ de compétences de recherche et a permis dâanti- ciper les conséquences de lâavancée dans la carrière, mais également le pouvoir de concentration des risques sur ces conséquences sur un seul et même indivi- du, comme une alternative au système de mentorat unique et traditionnel, aux réseaux de mentorat ou aux conseils basés sur les comités qui permettent dâen- visager un grand nombre de perspectives potentielles pour conseiller, parrainer, soutenir des signalements informels du harcèlement. Les départements peuvent prendre des responsabilités collectives pour les stagiaires en menant des exa- mens annuels sur les progrès de ces derniers, dans le cadre de réunions entre les professeur·e·s et en discutant de la manière dâaider les stagiaires à se constituer un réseau et à trouver des postes qui leur sont adaptés. Ces modèles de men- torat peuvent également sâappliquer aux doctorant·e·s qui sont généralement très isolé·e·s car ils travaillent uniquement avec un·e· conseiller·e et ne sont généralement pas intégrés à un groupe, comme câest le cas pour les étudiant·e·s de deuxième cycle. En outre, des services de médiation départementaux et ins- titutionnels peuvent aider à faciliter des supports alternatifs, en diffusant plus amplement toute concentration du pouvoir. En ce qui concerne les relations avec les directeurs ou directrices de thèse, les mécanismes liés au financement des projets de recherche et des bourses pour les étudiant·e·s doivent être pris en compte. Par exemple, les financements peuvent être diffusés par des fonds communs au sein du département pour avoir assisté à des conférences et avoir recruté des associé·e·s de recherche de pre- mier cycle. Les départements et les établissements doivent également explorer des moyens de développer les financements de la recherche qui peuvent être accordés aux stagiaires plutôt quâà un seul chercheur principal. Les établisse- ments et les départements peuvent aussi prendre la responsabilité de préserver le potentiel travail de lâéquipe de recherche, en redistribuant les financements si un·e chercheur·e principal·e ne peut continuer à travailler car il, ou elle,
220 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES a instauré un climat propice au harcèlement sexuel. De même, les établisse- ments peuvent prendre des responsabilités organisationnelles en garantissant des financements aux étudiant·e·s même si les établissements tirent des finan- cements du chercheur principal. Lâisolement résulte également des accords de confidentialité et de non-di- vulgation qui limitent la possibilité pour les victimes de harcèlement sexuel de parler avec dâautres personnes de leurs expériences et peuvent protéger les individus qui ont commis des faits de harcèlement à répétition. La chercheuse juridique Catherine MacKinnon avance que les changements doivent reposer sur des règlements institutionnels et des lois statutaires pour limiter ou interdire la confidentialité et lâopacité, notamment lâutilisation dâarbitrage forcé, dâac- cords de non-divulgation ou de confidentialité.12 De tels changements dans la loi sont déjà à lâétude en Californie, où la séna- trice Connie Leyva prévoit de mettre en place une réglementation pour interdire les dispositions en matière de confidentialité dans les accords financiers impli- quant du harcèlement sexuel.13 Parallèlement, les avocats de certains Ãtats qui représentent les victimes du harcèlement sexuel envisagent la remise en question des accords de confiden- tialité auprès des tribunaux en partant du principe que la majeure partie des Ãtats disposent de lois qui interdisent tout accord qui dissimule un danger pu- blic. Or, le harcèlement sexuel doit être considéré comme un danger public dans le cadre du travail.14 12â Voir https://www.nytimes.com/2018/02/04/opinion/metoo-law-legal-system.html. 13âVoir http://www.latimes.com/politics/essential/la-pol-ca-essential-politics-updates-cali- fornia-lawmaker-wants-to-ban-secret-1508428198-htmlstory.html. 14âVoir https://www.csmonitor.com/USA/2017/1219/US-lawyers-reconsider-confidentia- lity-agreements-in-sexual-harassment-claims et https://www.forbes.com/sites/michelle- fabio/2017/10/26/the-harvey-weinstein-effect-the-end-of-nondisclosure-agreements-in- sexual-assault-cases/#459002982c11.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 221 DES ENVIRONNEMENTS DE SOUTIEN POUR LES VICTIMES Le chapitre 4 traite de la durée où les femmes qui subissent du harcèlement sexuel craignent les représailles et souffrent de conséquences psychologiques à court et à long terme de peur de signaler les faits. Si la victime craint les repré- sailles et pense que le processus institutionnel sera inutile, alors un climat de tolérance à lâégard harcèlement sexuel sera instauré. En outre, de telles condi- tions rendront les victimes peu enclines à signaler les faits, ce qui est suscep- tible de limiter les possibilités pour les institutions de stopper le harcèlement sexuel sur les campus et de démontrer quâelles prennent le sujet au sérieux et sanctionnent les coupables ; un autre élément majeur qui contribue à créer un climat qui ne tolère pas le harcèlement sexuel. Les étudiant·e·s sont souvent réticent·e·s à initier le processus formel de plainte avec leurs coordinateurs ou coordinatrice du Titre IX du campus, par peur des représailles, à lâidée de graves conséquences qui peuvent en décou- ler, dans la mesure où il·elle·s ne savent pas comment procéder, mais aussi car la confidentialité ne peut être garantie (Pappas 2016a, Harrison 2007). La perception générale selon laquelle les institutions sont incapables ou échouent à prévenir, ou éviter, les mauvais agissements des individus (trahison institu- tionnelle) conduit à instaurer un climat de méfiance. Smith et Freyd (2014) ont suggéré que les organisations pouvaient faire preuve de « courage institution- nel » en changeant leurs priorités du contrôle des dégâts, vers une réelle recon- naissance de la victime. Pour montrer leur engagement à soutenir les victimes, les institutions doivent véhiculer lâidée que le fait de signaler le harcèlement sexuel est une action honorable et courageuse. Ce type dâengagement doit être appliqué non seulement aux victimes qui viennent, mais également aux témoins qui signalent leur propre expérience ou dâautres expériences, ainsi quâaux étudiant·e·s, pro- fesseur·e·s et employé·e·s au moment de leur intégration de lâinstitution. Smith et Freyd (2014) mettent en avant le fait que la direction doit montrer lâexemple afin que cet engagement soit appliqué dans tous les rangs de lâorganisation.
222 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES Orienter les étudiant·e·s, stagiaires, professeur·e·s et employé·e·s Orienter les étudiant·e·s, stagiaires, professeur·e·s et employé·e·s â quel que soit leur niveau â à la culture de lâinstitution académique et ses politiques et procédures permettant de lutter contre le harcèlement sexuel, apparaît comme un élément important afin dâinstaurer un climat qui montre que le harcèlement sexuel nâest pas toléré et que les victimes seront soutenues. Une telle décision peut être utile pour les individus qui intègrent ou rejoignent la communauté des campus pour la première fois et annuellement pour renforcer les informations. Cette décision devrait inclure des informations sur les politiques, les ressources disponibles et les structures de soutien, les étudiant·e·s, les professeur·e·s et les employé·e·s du code de conduite, les rôles et les responsabilités, les informa- tions institutionnelles spécifiques sur le bureau du Titre IX et les lieux de signa- lement. Une telle décision pourrait également expliquer clairement la manière dâinitier un rapport ou dâengager une problématique, ce qui pourrait survenir au cours dâun processus, et à quoi ils pourraient sâattendre au terme de lâenquête. Des brochures facilement accessibles, ou dâautres documents promouvant la civilité et le besoin dâéliminer le harcèlement, peuvent aider à véhiculer rapi- dement, et efficacement, en communiquant également des informations aux- quelles on peut se référer. En raison de différences entre les populations sur les campus, ces décisions doivent être adaptées. à titre dâexemple, les réussites et étapes développementales et comporte- mentales et les risques accrus et connus de harcèlement sexuel pour les étu- diant·e·s de premier cycle, particulièrement les minorités (Cantor et al. 2015, Université du Michigan 2015), suggèrent que ces programmes pour ces étu- diant·e·s doivent différer de ceux des étudiant·e·s de deuxième cycle, les pro- fesseur·e·s et les employé·e·s. Une réponse institutionnelle ciblée Comme exposé dans le chapitre 5, des études ont révélé des éléments contra- dictoires sur la valeur de la déclaration obligatoire, notamment des preuves quâelle peut être préjudiciable aux victimes. Des mécanismes de signalement obligatoires peuvent être nuisibles car ils prennent le contrôle des victimes et les mettent dans les mains dâune tierce personne, dont la santé et la sécurité ne représentent pas ses intérêts. Plutôt que dâinstituer des procédures de signale- ment qui peuvent replacer dans une position de victime les cibles du harcèle-
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 223 ment, les institutions peuvent élaborer des systèmes de réponse qui confèrent de la puissance aux femmes en leur fournissant des alternatives et des moyens moins formels dâaccéder à des structures de soutien, des informations enregis- trées et des signalements. Les réponses institutionnelles au harcèlement sexuel peuvent placer les besoins de la victime en premier, de même que les meilleures pratiques en usage en réponse à lâagression sexuelle.15 Afin de témoigner dâun réel engagement envers les victimes, les institutions peuvent apporter de multiples mécanismes dâémancipation des incidents de si- gnalement qui leur donnaient lâopportunité de faire valoir leurs plaintes, sans avoir peur des représailles. Une réponse institutionnelle centrée sur la victime permet aux individus qui subissent du harcèlement sexuel dâaccéder à des structures de soutien, notam- ment à une assistance professionnelle et de conseil, sans nécessiter de faire des rapports formels. Ces systèmes intègrent des services permettant dâaider les victimes à naviguer à travers les multiples systèmes (services sociaux, de santé, juridiques, relatifs à la carrière/ professionnels) pourraient avoir besoin de structures de soutien semblables aux modèles de responsabilisation des vic- times pour les agressions sexuelles, qui fournissent un unique point de contact pour la réponse interdisciplinaire et des structures de soutien.16 Un système de réponse peut également permettre aux victimes de gagner en autonomie en leur permettant dâavoir les moyens de documenter ce qui sâest passé, que les incidents aient été immédiatement signalés ou lâaient été tout simplement. Si une victime décide de choisir dâinitier un rapport, le processus de signalement peut rester centré sur la victime, en la tenant informée de lâétat dâavancement de toute enquête en cours et de toute mesure disciplinaire qui sâensuit, ainsi que de ce qui lâattend tout au long du processus, en lui offrant des conseils juridiques et professionnels confidentiels et en continuant à promou- voir lâaccès aux services de soutien. 15âVoir, par exemple, les approches des chercheurs de lâUniversité du Texas à Austin en matière de police et de travail social à lâadresse https://socialwork.utexas.edu/feature- d/a-groundbreaking-blueprint-for-sexual-assault-response/, ou les forces armées améri- caines à lâadresse at http://www.sapr.mil/index.php/victim-assistance. 16âVoir, par exemple, le modèle intégré de défense de lâenfance à lâadresse http://daw- sonplace.org/.
224 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES Les systèmes confidentiels de signalement en ligne : CALLISTO Callisto est un des exemples dâoutil technologique qui améliore le modèle standard de signalement pour harcèlement sexuel ; il permet aux victimes de relater les faits sans avoir à déposer une plainte formelle. Ce système en ligne permet aux victimes de contrôler les informations quâelles communiquent, dâaccéder à des services de soutien et de partager des informations concernant les auteur·e·s présumé·e·s qui seraient susceptibles de commettre plusieurs in- fractions. En utilisant ce système en ligne, les victimes ont le choix de signaler lâincident de trois manières : ⢠en créant des registres marqués dans le temps dâun incident ; ⢠en signalant formellement lâincident par voie électronique aux respon- sables des campus, en utilisant le plus souvent les registres marqués dans le temps ; ⢠et en tirant profit dâun système de correspondance dans lequel les vic- times peuvent choisir de déposer une plainte formelle si un autre rap- port correspond au même ou à la même auteur·e·s de harcèlement sexuel. Callisto a été créé par lâUniversité de Californie à San Francisco et le Po- mona College en 2015 et a été présenté en 2016. Il est actuellement disponible dans 13 établissements et a pour objectif dâêtre présent dans 20 écoles au cours de lâannée scolaire 2018-2019.17 Cette approche présente lâavantage dâêtre sans danger, sécurisée et confidentielle, et permet aux victimes dâindiquer quand les faits se sont déroulés dans leur établissement.18 Un autre avantage pour les établissements est que le système Callisto permet de fournir des données géné- rales sur le nombre de rapports qui sont créés, même sâils ne sont pas remplis de manière formelle. Dâaprès le site internet de Callisto, les victimes du har- cèlement sexuel qui ont visité le site internet du campus Callisto de leur école, avaient cinq fois plus de chance de signaler leur expérience que les victimes qui ne lâavaient pas fait. Le système de correspondance de Callisto sâest égale- 17â Voir https://www.projectcallisto.org/Callisto_Year_2_highres.pdf. 18â système est désigné dans le cadre de la recherche juridique comme des informations Ce en séquestre. Lâidée dâutiliser des informations en séquestre pour le harcèlement sexuel est traitée par Ayres et Unkovic 2012.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 225 ment montré utile, avec 15% des victimes de harcèlement sexuel qui révèlent avoir été agressées par le même harceleur quâune autre victime du système. En outre, les victimes qui utilisent le site internet du campus Callisto ont tendance à signaler 3 fois plus vite que la moyenne nationale (4 mois contre 11 mois). En 2017, Callisto a refondu son site internet pour améliorer son expérience uti- lisateur. Son approche a été alimentée par les études utilisateur, menées par les étudiants et les experts spécialisés en trahison institutionnelle, et une approche dâentretien de traumatisme expérientiel médico-légal. Lâanonymat des plaintes Des plaintes anonymes, pour lesquelles les victimes signalent des faits de harcèlement sans désigner la personne ou les personnes responsables et sans révéler leur propre identité, fait également partie des moyens de respecter les besoins des victimes de harcèlement sexuel. La capacité à enregistrer des infor- mations sur le harcèlement de manière à ce que les victimes puissent accéder, mettre à jour et révéler les faits plus tard, si une plainte formelle est déposée, leur donne le contrôle sur un processus qui pourrait sinon sembler en contradic- tion avec leur intérêt dâapprofondir leur travail et leurs études. Le bureau de médiation Les canaux de signalement situés en dehors de la hiérarchie du cadre de travail habituelle, tel quâun médiateur, ou une médiatrice, qui pourrait recevoir des rapports de harcèlement mais qui ne ferait pas officiellement partie des ressources humaines, ou de la réponse de la direction pour des faits de harcè- lement, pourrait fournir un soutien indépendant essentiel aux individus qui su- bissent du harcèlement sexuel. Dans le cadre dâun signalement aussi informel, la victime nâa pas recours à des canaux formels mais partage des informations avec un des membres de lâéquipe en qui elle a confiance ou avec le médiateur, ou la médiatrice. Lâavantage de cette approche est quâelle est confidentielle et collaborative et peut résoudre le conflit sans signalement formel, sanctions ou punitions si la victime le souhaite (Buchanan et al. 2014). Les bureaux de médiation académiques font partie des rares endroits sur les campus où les étudiant·e·s peuvent se rendre pour signaler de manière confidentielle des faits de harcèlement sexuel. Les bureaux de médiation sont destinés à permettre la gestion des conflits de manière constructive et infor-
226 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES melle, en communiquant des informations neutres et impartiales à la commu- nauté présente sur le campus, tels que les étudiant·e·s, les employé·e·s, les professeur·e·s et/ ou lâadministration (Houk et al. 2016). Le médiateur ne prend parti pour aucun individu ni aucune organisation, mais défend des procédures plus justes. Ces bureaux sont uniques dans le sens où ils sont indépendants de la structure organisationnelle normale et sont entièrement confidentiels. Pour cette raison, les bureaux de médiation sont des mécanismes de signalement informel inestimables pour les individus qui cherchent à signaler des faits de harcèlement sexuel de manière confidentielle. Les entretiens de recherche de Brian Pappas (2016a, 112), avec les coordinateurs et coordinatrices du Titre IX et les médiateurs et médiatrices, lâont conduit à conclure quâun régime stricte- ment basé sur le respect des règles qui ne peut garantir la confidentialité (assu- rée par un coordinateur ou une coordinatrice du Titre IX) ne sera pas perçu par les victimes des campus comme étant légitime (câest-à -dire capable de gérer ces problématiques), mais que les « médiateurs agissent comme un mécanisme idéal permettant dâencourager le signalement de cas dâinconduite sexuelle ». En avril 2014, le bureau du président des Ãtats-Unis a publié Not Alone â The First Report of the White House Task Force to Protect Students From Sexual Assault, dans lequel la force de travail de la Maison Blanche a mis en évidence le besoin de détenir un bureau de signalement confidentiel.19 Le rapport indique que le fait dâ« avoir un endroit confidentiel où aller montrait la différence entre obtenir de lâaide et rester silencieux » et cite les recommandations actuelles de 2011 du département de lâéducation que les établissements supérieurs et les universités devraient avoir « des conseiller·e·s et intervenant·e·s internes, tel·le·s que ceux·celles qui travaillent ou sont bénévoles dans des centres de harcèlement sexuel, des bureaux de défense des victimes, des centres pour les femmes et pour la santé, ainsi que des conseiller·e·s accrédité·e·s et dâordre religieux qui peuvent parler à un·e survivant·e en toute confiance » (3). Conformément au Titre IX, tout individu est tenu de signaler des cas de vio- lence sexuelle présumée si lâindividu est lâemployé responsable de lâétablisse- ment.20 Quâun individu soit considéré, ou non, comme employé responsable est 19â Disponible à lâadresse https://www.whitehouse.gov/sites/whitehouse.gov/files/images/ Documents/1.4.17. VAW%20Event.TF%20Report.PDF. 20âVoir https://www2.ed.gov/about/offices/list/ocr/docs/shguide.html.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 227 déterminé par lâinstitution académique. Par conséquent, il est possible que les bureaux de médiation présents dans certains établissements supérieurs et uni- versités soient requis pour signaler des faits de harcèlement sexuel, conformé- ment au Titre IX, contraignant ainsi les médiateurs et médiatrices à enfreindre leurs meilleures pratiques et à éliminer lâoption dâun bureau de signalement informel. Cependant, certaines institutions ont mis en place des politiques pour sâassurer que tout le monde ne soit pas dans lâobligation de procéder à un signa- lement, afin de fournir aux victimes davantage dâoptions de signalement infor- mel et de leur donner plus de contrôle sur ce qui advient des informations révé- lées. Par exemple, la politique de lâUniversité dâOregon a créé trois catégories dâemployé·e·s : les employé·e·s qui se tournent vers les étudiant·e·s, les em- ployé·e·s confidentiels et les employé·e·s obligatoires. Dâaprès ces définitions, la plupart des universitaires, employé·e·s de deuxième cycle et des employé·e·s sont des employé·e·s qui se tournent vers les étudiant·e·s. Ceci signifie quâau lieu de signaler immédiatement un incident de harcèlement sexuel, lâemployé·e qui se tourne vers lâétudiant·e est tenu de communiquer à la victime des infor- mations sur les ressources et les différentes options de signalement. Plus impor- tant encore, lâemployé·e est également tenu·e dâhonorer les souhaits de la vic- time sur la manière de signaler les incidents conformément au bureau du Titre IX.21 En augmentant les options informelles, confidentielles avec le système de réponse aux plaintes, il est important pour les institutions académiques de créer des environnements de soutien pour celles et ceux qui ont subi un harcèlement sexuel. La plupart des institutions académiques disposent de services de média- tion qui servent la communauté tout entière du campus, mais lâélargissement du bureau de médiation, peut-être en incluant un médiateur ou une médiatrice dans chaque département ou établissement dâenseignement supérieur, pourrait four- nir de plus amples ressources aux individus victimes de harcèlement sexuel. Le processus de justice restaurative Une autre forme de signalement informel que certaines institutions explorent concerne lâusage des procédés de justice restaurative. Contrairement à la mé- diation, au cours de laquelle les deux parties sont traitées de manière neutre, 21âVoir http://around.uoregon.edu/content/uo-reaffirms-commitment-title-ix-and-support- students.
228 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES « tous les modèles de [justice réparatrice] de signalement informel sont fondés sur lâhypothèse dâune personne ou des personnes responsables qui acceptent volontairement la responsabilité de lâacte répréhensible ou qui ont été jugés responsables par un processus dâenquête approprié » (Koss, Wilgus et Wil- liamsen 2014, 246, Koss 2014, McGlynn, Westmarland et Godden 2012). Cette approche évite de convoquer une audience disciplinaire et des conséquences punitives. à la place, la victime rencontre un·e conseiller·e ou un médiateur, ou une médiatrice, et tient compte du type dâaction quâelle aimerait mettre en place. Par exemple, elle pourrait demander des excuses ou un forum ouvert permettant de discuter de ce quâil sâest passé. David Karp, un professeur de sociologie au Skidmore College, a développé un programme appelé le Campus PRISM (Promoting Restorative Initiatives for Sexual Misconduct). Il appelle à la responsabilité au moyen de la collaboration et la prévention au travers de lâéducation.22 Il sâagit dâune nouvelle approche qui nâa pas encore de fonde- ment de recherche solide. En outre, certaines victimes ont le sentiment que cette pratique ne devrait pas être utilisée dans tous les cas. Par exemple, les auteur·e·s de harcèlement sexuel en série devraient être confrontés au moyen de canaux formels. En outre, il existe des préoccupations concernant la forma- tion permettant aux intervenant·e·s, médiateurs et médiatrices, de travailler de manière adéquate aussi bien avec les victimes quâavec les auteur·e·s du har- cèlement. De plus amples recherches sont nécessaires pour déterminer si cette approche est viable à grande échelle.23 La réintégration des victimes Une fois que la personne a pris lâinitiative de signaler son expérience de har- cèlement sexuel, les institutions doivent tenir compte du type de soutien dont les victimes ont besoin immédiatement après lâincident, ou les incidents, et sur la manière de les aider à continuer à gérer leur éducation et leur travail sur le long terme. Par exemple, si un·e étudiant·e est harcelé·e par un·e camarade de classe pendant une période de temps donnée, il·elle·s devront sans doute rester 22âVoir http://www.skidmore.edu/campusrj/documents/Campus_PRISM__Report_2016. pdf. 23âVoir https://www.npr.org/2017/07/25/539334346/restorative-justice-an-alternative-to- the-process-campuses-use-for-sexual-assault.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 229 dans la même classe pour le reste du trimestre/ semestre, même après avoir signalé lâincident. Si la victime et la personne qui agresse sont dans la même filière, il est même probable quâil·elle·s soient de nouveau dans la même classe pendant tout le temps passé sur le campus, ou, a minima, pendant le temps de lâenquête. Ãtant donné que le harcèlement entre les étudiant·e·s survient dans les sec- teurs des sciences, de lâingénierie et de la médecine, les institutions doivent tenir compte de la manière dont on peut soutenir les victimes qui pourraient revoir plusieurs fois les auteur·e·s de leur agression une fois leur formation terminée. Pour que la victime sâhabitue à ces situations, les universités doivent mettre en place une ordonnance de non-communication mutuelle entre le·la pré- venu·e et le·la plaignant·e, modifier les emplois du temps, changer les verrous du logement de la victime et empêcher le·la prévenu·e dâaccéder à lâimmeuble (Winn 2017). Si une plainte pour harcèlement est déposée contre un·e profes- seur·e ou un·e employé·e, les institutions doivent être préparées à prendre des initiatives pour sâassurer que lâétudiant·e est capable de poursuivre son travail. Ces actions incluent quâil faut tenir compte quâun·e étudiant·e a besoin dâun nouveau conseiller ou nouvelle conseillère dâéducation, dâun nouveau comité de direction de deuxième cycle, de nouveaux sujets de thèse, et il convient aussi de gérer les restrictions que lâétudiant·e peut avoir sur la publication, en raison de problématiques liées à la propriété intellectuelle. Les institutions doivent également sâassurer de respecter la vie privée de la victime, et maintenir son anonymat, et tenir compte du fait que la manière dont sont réalisées les ruptures interdépartementales/ transferts vers dâautres départements â visant à réintégrer la victime â peuvent nuire à leur confidentialité. Le commandant, Navy Installations Command (CNIC), dans son programme de réponse et de prévention/ lutte contre les agressions sexuelles, prodigue des conseils sur la manière dont les superviseur·e·s doivent être bienveillants en- vers la victime après un dépôt de plainte. Le CNIC déclare spécifiquement que les superviseur·e·s doivent soutenir les victimes par des accords administratifs et logistiques afin de recevoir des soins. La politique établit clairement que les superviseur·e·s doivent uniquement informer les individus ayant une légi- timité, que la victime est absente ou requière une assistance, et respecter la vie privée de la victime. Le CNIC traite également les questions relatives à la sé- curité de la victime en maintenant lâauteur·e de harcèlement sexuel éloigné·e et
230 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES en considérant lâavis de la victime de changer de service.24 Les considérations concernant la réintégration des victimes ne reçoivent, la plupart du temps, pas suffisamment dâattention lorsque les institutions mettent en place les politiques sur le harcèlement sexuel. Le travail limité réalisé à ce sujet nâest pas suffi- sant pour identifier des meilleures pratiques de soutien aux victimes, et, par conséquent, davantage de recherches sont nécessaires sur la manière dont les institutions peuvent servir au mieux les intérêts des victimes après leur dépôt de plainte. AMÃLIORER LA TRANSPARENCE ET LA RESPONSABILISATION Une des principales manières, et peut-être la plus évidente, dâéviter le harcè- lement sexuel consiste, pour les institutions académiques, à démontrer quâelles ne tolèrent pas (câest-à -dire quâelles encouragent un climat organisationnel qui a pour objectif de prohiber le harcèlement sexuel). Pour ce faire, il est essentiel que la communauté soit consciente du fait que les auteur·e·s de harcèlement sexuel sont tenus pour responsables et que lâinstitution prend le sujet au sérieux. Des politiques anti-harcèlement claires Pour développer et communiquer des politiques anti-harcèlement claires, il est essentiel de sâassurer que la communauté connaît bien les types de compor- tement qui sont inacceptables. Une communication régulière, voire annuelle, des politiques de telle manière à ce quâelles soient légitimement comprises rapidement et facilement (câest-à -dire en utilisant des brochures ou des info- graphies qui tiennent sur une page et ne contiennent pas trop dâinformations) peuvent améliorer la prise de conscience et démontrer lâimportance que lâinsti- tution place sur le respect de cette politique. Pour sâassurer que la politique est bien comprise, il est également important que le message soit diffusé sous dif- férents formats (papier, e-mails et présentations) et que les départements soient 24âDisponible à lâadresse ttps://www.cnic.navy.mil/ffr/family_readiness/fleet_and_family_ support_program/ sexual_assault_prevention_and_response/supervising_an_assault_vic- tim.html.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 231 cohérents (Buchanan et al. 2014). Un des éléments clés des politiques anti-har- cèlement claires est que les individus qui violent ces règlements seront tenus pour responsables. Ceci peut être fait en énonçant, dans la politique, lâéventail de conséquences disciplinaires (en fonction de la violation du règlement) pour les individus qui violent ces réglementations, ainsi que la mise en évidence claire des processus et délais pour chaque étape dudit processus (câest-à -dire signalement, enquête et attribution).25 Les actions disciplinaires progressives Il peut être tentant de penser que des sanctions plus lourdes puissent consti- tuer une solution au harcèlement (parfois perçue comme tolérance zéro). De telles approches suggèrent que le harcèlement sexuel est finalement pris au sé- rieux. Mais, dans la mesure où les preuves collectées dans ce rapport suggèrent quâil existe un large éventail de comportements qui peuvent avoir des effets dé- létères sur les carrières des femmes en sciences, en ingénierie et en médecine, nous avons pressé les institutions académiques pour considérer quâune large gamme similaire de réponses peut être appropriée. En résumé, les sanctions des auteur·e·s de harcèlement sexuel doivent être progressives, être cohérentes avec le « délit » et être communiquées à la communauté. Une discipline progressive (comme des conseils, des changements dans les responsabilités de travail, des réductions de salaire/avantages et des suspen- sions ou licenciements), adaptés à la gravité et la fréquence du comportement, peut permettre de corriger le comportement avant quâil ne sâaggrave (Euben et Lee 2006), sans interrompre significativement le programme académique. Lâutilisation dâune série dâactions disciplinaires peut également augmenter la probabilité que les victimes signalent le comportement, dans la mesure où les victimes choisissent de ne pas parler de leur expérience car elles ne veulent pas être perçues comme des perturbatrices du statut quo et veulent simplement que les agissements cessent. La détermination de sanctions disciplinaires appro- priées peut être mieux déterminée en se fondant sur une révision des circons- tances sur la base du cas par cas. Cependant, des exemples de ce comportement 25â plus amples informations sur les procédures et instructions sur la manière dâenquêter De de manière juste et appropriée sur ces questions ne sont pas communiquées car il sâagit de sujet complexes qui dépassent le cadre de cette étude.
232 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES garantirait des actions disciplinaires différentes qui permettraient dâaméliorer la transparence. Le cas échéant, les réponses pourraient être à la fois sur le plan scolaire et centrées sur la réhabilitation. En outre, pour démontrer que lâinsti- tution ne tolère pas le harcèlement sexuel, lâéventail de sanctions potentielles, qui sont susceptibles dâêtre communiquées, et la décision disciplinaire rendue doivent être prononcées en temps opportun, en respectant une procédure dâen- quête équitable pour toutes les parties.26 Plus important, lâaction disciplinaire ne doit pas être considérée comme un avantage pour le·la professeur·e, telle que la réduction de la charge de travail ou le temps passé en dehors des responsabilités de service du campus. En dâautres termes, les auteur·e·s dâagression ne doivent pas être « récompensés » pour leur comportement. Au lieu de cela, les conséquences doivent prendre la forme réelle dâune sanction, telle quâune baisse de salaire ou même un licenciement. La liste suivante de sanctions potentielles, dans lâordre croissant de gravité a pour objectif dâêtre illustrative, plutôt quâexhaustive, dâactions punitives, et est donnée à titre dâexemple : ⢠adresser une lettre de sanction ou émettre un avertissement ; ⢠convenir dâun accord pour entamer une formation éducative ou un changement de comportement (ex : une formation permettant de soi- gner lâaddiction) ; ⢠imposer des restrictions aux conditions permettant dâenseigner et/ ou dâencadrer ; ⢠entamer une entrée formelle dans la performance de la révision du dossier et de lâévaluation ; ⢠imposer une réduction temporaire du salaire ; ⢠imposer une compensation monétaire aux victimes ; ⢠refuser dâaccorder ou de maintenir le statut de professeur·e émérite ; ⢠contraindre lâauteur·e des faits à démissionner administrativement ; ⢠contraindre lâauteur·e des faits à quitter lâétablissement supérieur ou lâuniversité ; ⢠dévoiler les actions entreprises ; 26â détail des processus et des conseils sur la manière dâenquêter et de statuer de manière Le équitable et appropriée sur ces questions nâest pas communiqué car il sâagit de questions complexes qui dépassaient le cadre de cette étude.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 233 ⢠signaler aux agences de financement que la politique de harcèlement sexuel a été violée. Dans le cadre dâefforts menés pour modifier le comportement et améliorer le climat, il peut également être approprié pour les institutions dâentreprendre les mesures centrées sur la réhabilitation,27 bien quâil ne sâagisse pas de sanctions en soi. De telles réponses peuvent inclure des opportunités dâapprendre, de dé- velopper son empathie, reconnaître et valoriser des différences, et peuvent im- pliquer des groupes de victimes avec des intervenants professionnels, la partici- pation à des cercles de justice restaurative et des formations à lâempathie. Toute formation requise pour réhabiliter ceux, ou celles, qui ont harcelé dâautres indi- vidus doivent au minimum suivre les standards pour une formation efficace de manière générale (ex : face à face, longue durée, répétition/ suivi, etc.) Améliorer la transparence et la responsabilité lorsque lâon gère des rapports formels Il est tout aussi important dâaméliorer le climat pour que les institutions académiques soient transparentes sur ce qui survient lorsque les rapports sont formellement remplis et lorsquâil sâavère que des individus ont violé les rè- glements. Pour que les individus présents dans une institution comprennent que lâinstitution ne tolère pas le harcèlement sexuel, elle doit montrer quâelle enquête et tient les agresseurs pour responsable dans un délai raisonnable. Cela va bien au-delà dâune politique qui expose ces faits, et nécessite de montrer que lâinstitution suit cette approche. Il sâagit de problématiques de confiden- tialité qui soulèvent des questions de transparence sur les enquêtes en cours, aussi bien pour la victime que pour le·la prévenu·e. Cependant, il existe des moyens dâatteindre cet idéal de transparence. Les institutions peuvent rendre anonymes les informations de base et fournir des rapports réguliers qui infor- ment du nombre de rapports qui sont en cours dâenquête et, plus généralement, les résultats qui découlent de lâenquête. Par exemple, lâUniversité de Yale publie un rapport semi-annuel de plaintes 27â comité a trouvé peu de résultats sur ce sujet. Cependant, il existe une littérature de Le plus en plus riche sur les procédures de justice restaurative, tel quâil est indiqué dans le dernier chapitre.
234 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES pour inconduite sexuelle et un rapport annuel sur la sécurité au sein des campus (incluant le harcèlement sexuel) afin dâinformer la communauté présente sur les campus des plaintes portées à lâattention de lâuniversité et la manière dont elles ont été résolues. Ces rapports sont rédigés afin de protéger lâanonymat tout en apportant des descriptions minimales et des résumés statistiques qui révèlent (1) le rôle du ou de la plaignant·e et du ou de la prévenu·e à lâuniversité (câest- à -dire un·e étudiant·e de premier cycle, deuxième cycle ou professionnel, un stagiaire postdoctorant·e, des professeur·e·s, employé·e·s) et (2) le statut du ou de la plaignant·e (que le·la plaignant·e ait décidé de déposer une plainte formelle, que lâenquête soit en cours, ou toute action disciplinaire prise par lâuniversité après lâenquête, etc.)28 Ce modèle fournit des informations permet- tant de garder la communauté du campus informée, démontrer que lâinstitution gère activement les rapports de harcèlement sexuel et montrent que et ceux et celles qui violent la politique sont sanctionné·e·s. Un tel modèle est susceptible dâaméliorer le climat sur le campus en ce qui concerne le problème du harcè- lement sexuel et permet également dâengager la responsabilité de lâinstitution. Impliquer la communauté académique dans la politique et les révisions en pratique Une autre approche visant à démontrer que lâinstitution prend au sérieux les trois formes de harcèlement sexuel est dâencourager la révision interne de ses politiques, procédures et interventions permettant de lutter contre le harcè- lement sexuel et dâinstaurer des dialogues interactifs avec les membres de la communauté sur les campus (en particulier des chercheur·e·s expert·e·s de ces sujets) sur les manières dâaméliorer la culture et le climat et le changement des comportements. Les changements de politique dans une organisation sont susceptibles de changer la culture et le climat et il existe des implications significatives pour plusieurs approches dâapprentissage et la manière de répondre aux plaintes, étant donné que toutes les institutions y sont légalement tenues. En respectant les meilleures interprétations de ce qui est légalement requis, les dirigeant·e·s institutionnel·le·s ont des choix à faire. Ceux-ci incluent la manière dont la 28âVoir https://provost.yale.edu/sites/default/files/files/August-2016-Report.pdf.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 235 transparence et lâouverture aux parties prenantes et au partage des informations formeront un processus ; à quel point les efforts seront généreusement financés ; quelles entités sur les campus le contrôleront et le signaleront ; quelles options formelles ou informelles et punitives ou de réhabilitation seront proposées pour traiter les plaintes et y donner suite ; quels mécanismes de notification seront disponibles et comment ils fonctionneront ; et quels risques de responsabilité â et responsabilité pour quoi, exactement â seront tolérés, anticipés et planifiés. Placer la responsabilité et le contrôle du harcèlement sexuel et la réponse au niveau administratif le plus élevé, en étant assisté par les avocats du bureau du conseil général, est susceptible de produire une culture et un climat organisa- tionnel différents que celui guidé par un groupe de professeur·e·s, étudiant·e·s et prestataires de services plus importants. Les scandales sur le harcèlement sexuel sont très fréquents à lâheure actuelle et les dirigeant·e·s institutionnel·le·s peuvent ressentir une pression considé- rable qui les poussent à réagir rapidement, il est donc plus difficile dâenvisa- ger une approche prudente du problème. Des politiques de réaction excessive peuvent bafouer les droits des prévenu·e·s ou déraper de manière historique- ment prévisible. Des chercheur·e·s ont documenté des schémas dâaccusation dâindividus considérés comme ayant des « déviances sexuelles » (typiquement des gays ou des lesbiennes, mais également des individus dans des relations non-conventionnelles, des jeunes, des hommes noirs et des personnes atteintes du VIH) au cours dâépisodes appelés « sex panics », qui surviennent lorsque la société se concentre sur la réglementation du sexe et de la sexualité, souvent durant des périodes où lâanxiété est permanente sur les révoltes ou les scandales sociétaux (Rubin 1984, Jenkins 1992, Halperin et Hoppe 2017). Même si les nuisances qui attirent lâattention sur la réglementation du sexe et de la sexualité peuvent être réels, tels que le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles, les réactions peuvent être disproportionnées ou dirigées vers les mauvaises per- sonnes. Afin dâéviter les politiques de sur-réaction, les institutions doivent avancer prudemment afin dâévaluer les problèmes quâelles rencontrent, puis apporter un grand nombre de parties prenantes qui ont différentes perspectives, statuts et rôles. Les dirigeant·e·s peuvent également reconnaître que le fait dâinstaurer un environnement inclusif est un travail progressif, plutôt quâun élément statique, qui est maintenu. Lâenvironnement doit être continuellement évalué et révisé dans la mesure où de nouveaux étudiant·e·s, professeur·e·s, patient·e·s, pro-
236 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES blèmes et identités entrent dans le champ académique. Adopter une approche légale et centrée sur la responsabilité nâa pas démontré son efficacité dans la prévention contre le harcèlement sexuel et les dirigeant·e·s gagneraient à tirer parti de lâexpertise des personnes qui travaillent dans le domaine des sciences, de lâingénierie et de la médecine sur les campus, ainsi que des expert·e·s en enseignement qui étudient le climat, la culture, les organisations, le genre, la race, lâappartenance ethnique, la sexualité et le harcèlement. Dans ce contexte, pour impliquer les parties prenantes et donner une voix aux groupes historiquement impuissants, certaines institutions ont créé des fo- rums pour les étudiant·e·s afin de partager leurs perspectives sur les politiques sur le harcèlement sexuel et les initiatives prises pour prévenir le harcèlement sexuel. à titre dâexemple, lâUniversité de Yale a établi deux conseils dâadmi- nistration, un pour les étudiant·e·s de premier cycle et un pour les étudiant·e·s de deuxième cycle et professionnel·le·s. Les deux conseils se rencontrent pé- riodiquement conformément au Titre IX du Steering Committee et présentent les perspectives des étudiant·e·s sur les politiques, les procédures et les pro- grammes sur le harcèlement sexuel.29 Les membres du Conseil dâadministra- tion sâengagent à servir pendant une année et doivent suivre une formation dâintroduction dâune durée dâun an. Les membres assistent régulièrement à des rencontres et collaborent avec des équipes de direction dans les écoles/ dépar- tements et avec les coordinateurs et coordinatrices du Titre IX sur lâéducation et la prévention des efforts, ainsi que les initiatives locales. De cette manière, les membres du Conseil dâadministration ont lâopportunité de participer au dé- veloppement et à la mise en place dâinitiatives permettant de promouvoir un climat et une culture positives à lâuniversité. UN LEADERSHIP FORT, DIVERSIFIà ET RESPONSABLE Les chercheur·e·s organisationnel·le·s rendent clair le rôle essentiel joué par les dirigeant·e·s dans la création et le développement du changement cultu- rel (Jayne et Dipboye 2004, Gelfand, Erez et Aycan 2007, Taylor et al. 2011, Stamarski et Hing 2015, Kozlowski et Doherty 1989, Ostroff, Kinicki et Mu- 29âVoir https://smr.yale.edu/get-involved/apply-join-student-advisory-board.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 237 hammad 2012). Les dirigeant·e·s universitaires, tels que les cadres exécutifs et les membres du gouvernement donnent le ton au sein, et à lâextérieur, des ins- titutions. Leurs déclarations publiques, stratégies institutionnelles, politiques personnelles et comportements suscitent des attentes et définissent des normes professionnelles, sans compter quâils, ou elles, impactent la manière dont les employé·e·s perçoivent les changements dâefforts avec cynisme ou confiance (Wanous, Reichers et Austin 2000). Pour toutes ces raisons, et parce quâon peut avancer que le harcèlement sexuel est incompatible avec les valeurs de lâenseignement, les dirigeant·e·s académiques doivent faire plus pour sâassurer de ne pas être personnellement impliqué·e·s dans les faits harcèlement sexuel. En fait, la direction est tenue de parler et dâagir avec audace, sans ambiguïté, et de manière cohérente, de soutenir des mesures agressives pour augmenter la sensibilisation sur la question et les ressources à leur disposition pour lutter contre. Elle doit, a minima, rendre clair le fait que le harcèlement sexuel est inacceptable et que les systèmes mis en place doivent stopper les auteur·e·s de harcèlement sexuel. Lâobjectif est, ainsi, dâétablir un climat qui ne soit pas être propice au harcèlement sexuel. Il est essentiel de souligner que le harcèlement sexuel est défini au sens large et englobe les comportements sexistes (par exemple, les commentaires méprisants à lâégard des femmes, le fait de rabaisser des stagiaires de sexe féminin, les insultes à lâégard des hommes homosexuels, petits, ou considérés comme « pas assez virils ») et les comportements à connotation sexuelle gros- siers (les femmes sont qualifiées de « salop*s » ou de « put*s »). En dâautres termes, les dirigeant·e·s doivent interdire, et chercher à prévenir, non seule- ment les formes de harcèlement de nature sexuelle, mais aussi la forme de harcèlement sexuel que constitue le harcèlement sexiste. Il ne suffit pas de se conformer aux exigences légales ; la mise en Åuvre concertée des politiques et des procédures de lutte contre le harcèlement, par des cadres dirigeants, menée de manière progressive et explicite, permet, non seulement, de faire prendre conscience que des politiques et des procédures sont en place mais, aussi, de si- gnaler lâengagement de lâorganisation à réduire le harcèlement (Gruber 1998). En dâautres termes, le comportement des dirigeant·e·s indique aux membres de la communauté à quoi sâattendre en matière de harcèlement sexuel, et toute politique positive sera interprétée à travers le climat organisationnel quâelle crée et maintient.
238 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES Les dirigeant·e·s doivent également prendre des mesures pour sâattaquer aux pratiques culturelles problématiques décrites plus haut qui limitent la pro- motion des femmes à tous les niveaux du monde universitaire et sâefforcer de créer une culture favorable à la diversité. Gelfand et ses collègues (2007) affir- ment que « les directions ont des stéréotypes quant aux types dâemployé·e·s les plus performant·e·s et elles ont tendance à récompenser les employé·e·s qui se conforment le plus à leurs stéréotypes ». En outre, les recherches révèlent que la présence de dirigeant·e·s dont lâidentité propre recoupe celle des personnes les plus susceptibles dâêtre victimes de harcèlement sexuel contribue à réduire la probabilité de harcèlement sexuel (Offermann et Malamnut 2002). Ãtant donné le rôle essentiel que jouent les dirigeant·e·s dans la définition du ton de la culture organisationnelle et de lâimportance de leur identité, on peut tout à fait penser que la présence dâun plus grand nombre de femmes de couleur et de personnes ayant une identité ethnique, sexuelle et de genre minoritaire à des postes de direction réduira la probabilité que des faits de harcèlement sexuel soient commis dans les établissements universitaires. Alors que les dirigeant·e·s au sommet dâune organisation ont une influence et une importance sur le changement de culture, les dirigeant·e·s de niveau inférieur â par exemple, au niveau de la direction de laboratoire ou de centre, des doyen·ne·s et des directions de département â ont un fort impact sur la culture, le climat et les comportements quotidiens. Il est donc crucial que tous les niveaux de direction soient tenus pour responsables de la création de cette culture et du changement du climat ambiant. Settles et ses collègues (2006, 55) ont constaté que les directions de département étaient capables dâaméliorer lâenvironnement de travail des professeures dans le domaine des sciences en favorisant la collégialité entre les membres du corps enseignant. Ces direc- tions de département lâont fait en identifiant les domaines dâintérêt intellectuel qui se recroisent, en assurant lâéquité entre les sexes dans les affectations au sein des départements et en prohibant les comportements sexistes au sein du corps enseignant. En dâautres termes, un directeur de département efficace peut faire une différence significative dans les expériences quotidiennes des femmes scientifiques sur le lieu de travail universitaire. Ainsi, lâaccent mis sur le rôle de la direction du campus dans le changement dâorganisation, le climat et la culture doivent inclure tous les niveaux de direction, des directeurs et direc- trices de départements aux doyen·ne·s en passant par les administrateurs et administratrices les plus haut placé·e·s des campus.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 239 Les politiques et les procédures utilisées par la NASA sont un exemple de la manière dont les organisations peuvent engager la responsabilité de leurs dirigeant·e·s. Au sein de la NASA, les cadres et les postes de supervision sont considérés non seulement comme des récepteurs et des décideurs en cas dâal- légations de harcèlement, mais aussi comme des dirigeant·e·s qui prennent des mesures pour prévenir le harcèlement sur le lieu de travail et qui doivent rendre des comptes dans le cadre du système dâévaluation annuelle des performances de lâagence. En outre, la NASA produit un rapport annuel sur le fonctionnement de ses processus de lutte contre le harcèlement, qui comprend des informations sur le nombre de cas traités, les fondements de chaque cas (de nature sexuel ou non), le temps nécessaire pour traiter lâaffaire et les mesures correctives prises. Ce processus de rapport fournit un mécanisme permettant à la direction de surveiller le fonctionnement des processus de lutte contre le harcèlement et de déterminer si des changements ou des corrections doivent être apportés. Les dirigeant·e·s qui ne disposent pas dâoutils efficaces ne peuvent pas mettre en Åuvre le type de changement institutionnel nécessaire pour traiter un problème aussi répandu et aussi ancien que le harcèlement sexuel en milieu sco- laire. Comme les dirigeant·e·s dâautres professions dans des domaines tels que le droit, la santé et la technologie, les dirigeant·e·s universitaires occupent sou- vent des postes de direction avec une expérience limitée en matière de gestion et très peu de formation en matière de supervision, de culture organisationnelle ou de relations humaines. Les dirigeant·e·s universitaires doivent également re- lever le défi supplémentaire de superviser le corps enseignant, qui compte, dans ses rangs, des intellectuels de renom ayant à leur actif de formidables réalisa- tions professionnelles. Les professeur·e·s apprécient leur indépendance et leur autonomie, sont protégé·e·s à des divers degrés par la sécurité de lâemploi of- ferte par le système de titularisation, et jouent un rôle crucial de leadership dans la gouvernance des collèges et des universités. Le contexte dâemploi unique du milieu universitaire complique donc lâautorité des dirigeant·e·s universitaires à changer les cultures et les climats qui règnent sur le lieu de travail et à imposer des sanctions en cas de non-respect des normes professionnelles édictées, deux éléments nécessaires à la prévention et à la réduction du harcèlement sexuel. Lâéducation, la formation et le soutien des dirigeant·e·s peuvent améliorer la capacité de tous les dirigeant·e·s universitaires à lutter contre le harcèle- ment sexuel. Une formation efficace aux fonctions de direction améliore la conscience de soi et lâempathie, développe les compétences et les habitudes,
240 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES dont les dirigeant·e·s ont besoin pour persister et réussir, et élargit les perspec- tives des dirigeant·e·s en les exposant à un large éventail de groupes dâinté- rêt, dâobjectifs et de stratégies. Il existe des programmes de formation au lea- dership spécifiques au milieu universitaire qui enseignent ces compétences30, et ces programmes devraient sâefforcer dâinclure la manière de reconnaître et de traiter les questions relatives au harcèlement sexuel en tant que dirigeant·e, de telle façon à améliorer la culture et le climat plutôt que de simplement protéger la responsabilité. Pour encourager la formation au leadership, les établissements universitaires pourraient exiger des dirigeant·e·s dâentreprises de suivre une formation subs- tantielle en gestion et en leadership spécifique à lâenseignement supérieur avant dâassumer des rôles de direction. Cela inclut des postes de direction à tous les niveaux de direction, comme celui de chercheur·e principal·e dâun laboratoire, de direction dâun observatoire ou de direction dâun site de recherche sur le ter- rain, dâun centre ou dâune école. Le développement de compétences en matière de résolution des conflits, de médiation, de négociation et de désamorçage des conflits serait utile aux dirigeant·e·s. En outre, le fait de continuer à sâenga- ger dans des opportunités de développement professionnel, à lâintérieur et à lâextérieur de lâacadémie, pour inclure des examens des meilleures pratiques visant à maintenir des lieux de travail inclusifs tout au long de leur mandat de dirigeant·e·s institutionnel·le·s, serait également bénéfique pour les institutions académiques. Les examens et les critiques des cas de harcèlement sexuel et les évaluations du climat du cadre de travail devraient faire partie du développe- ment professionnel quotidien des équipes de direction au sein des établisse- ments et entre les professions. 30âAmerican Council on Education Fellows Program, http://www.acenet.edu/leadership/ programs/ Pages/ACE-Fellows-Program.aspx; Berkeley Leadership for Educational Equity Program (LEEP), https://leep.berkeley.edu/leadership-educational-equity-pro- gram/leep; Council of Independent CollegesâSenior Leadership Academy, https://www. cic.edu/programs/senior-leadership-academy; Harvard Institute for Management and Leadership in Education, https://www.gse.harvard.edu/ppe/ program/institute-manage- ment-and-leadership-education-mle; and Stanford Leadership Academy, https://cardina- latwork.stanford.edu/manage-lead/build-leadership-skills/stanford-leadership-academy.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 241 GARANTIR UNE FORMATION EFFICACE SUR LE HARCÃLEMENT SEXUEL Si la formation au harcèlement sexuel est lâapproche la plus traditionnelle pour prévenir le harcèlement sexuel, elle nâa pas fait ses preuves. Il est rare dâaccorder une bourse dâétude sur la formation efficace en matière de harcè- lement sexuel, mais elle indique clairement que, comme lâindique le rapport 2016 de lâEEOC, « une grande partie de la formation dispensée au cours des 30 dernières années nâa pas fonctionné comme outil de prévention ; elle était trop axée sur la simple éviction de la responsabilité légale » (voir la discussion au chapitre 5). Lorsque, dans de rares cas, les formations institutionnelles sur le harcèle- ment sexuel sont évaluées pour leur efficacité, les résultats sont mitigés selon lâobjectif de lâévaluation. Par exemple, plusieurs rapports du domaine public, dont le rapport de la Task Force EEOC 2016, ont suggéré quâil nây a aucune preuve que la formation aide à prévenir le harcèlement (Folz 2016). Cependant, un autre objectif de la plupart des programmes de formation sur le harcèle- ment sexuel est de modifier les connaissances des employé·e·s sur la nature du harcèlement sexuel et les politiques des organisations à ce sujet. Quelques études suggèrent que cela se produit pour les étudiant·e·s (Moyer et Nath 1998, Perry, Schmidke et Kulik 1998, York, Barclay et Zajack 1997). Alors que pour les adultes actifs, cette connaissance ne sâest améliorée que pour les hommes dâun échantillon ou pour les employé·e·s blancs dâun autre échantillon diver- sifié (Magley et al. 2013). Dans un échantillon de cadres, la formation sur le harcèlement sexuel a été associée à une sensibilisation excessive à lâidentifica- tion des situations de harcèlement sexuel, bien quâil nây ait eu aucun effet sur lâidentification précise de la manière de réagir à ces situations (Buckner et al. 2014). Un examen critique des études publiées sur lâefficacité de la formation sur le harcèlement sexuel par Roehling et Huang (2018) a révélé que la forma- tion sur le harcèlement sexuel est relativement cohérente pour ce qui est dâac- croître les connaissances sur le harcèlement sexuel et le signalement interne du harcèlement sexuel perçu. Cependant, le rapport constate quâon ne sait pas précisément dans quelle mesure les connaissances acquises dans le cadre de la formation sont assimilées et mises en application.
242 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES Tout en améliorant les connaissances sur le harcèlement sexuel et les poli- tiques et procédures pour avoir signalé quâelles sont utiles pour aider les gens à utiliser ces systèmes, les recherches ne montrent pas que ce type de formation réduit ou prévient le harcèlement sexuel. Cela sâexplique en partie par le fait que les connaissances et les changements dâattitude ne permettent pas dâantici- per précisément les changements de comportement (Alliger et Janak 1989, Al- liger et al. 1997, Blume et al. 2010) et que la réduction du harcèlement sexuel nécessite des changements de comportement. Le pire est que très peu de formations sont même évaluées pour leur effet sur le changement de comportement. Une méta-analyse de 2013 (Kalinoski et al. 2013) a révélé combien il est rare dâévaluer les formations pour leur capacité à changer les comportements â seules six des études de la méta-analyse des for- mations sur la diversité et le harcèlement sexuel ont examiné les changements de comportement réels. Et dans ce qui pourrait être considéré comme le résultat de référence pour la formation â la réduction du harcèlement sexuel â, une étude a montré que la formation ne réduisait pas le harcèlement sexuel (Magley et al. 2013). Les chercheur·e·s qui ont évalué les formations en fonction de leur effet sur les attitudes personnelles des étudiant·e·s et des adultes en activité ou sur la per- ception de la tolérance organisationnelle à lâégard du harcèlement sexuel nâont constaté que peu dâeffets. Il a été noté que la formation nâa pas eu dâeffet sur les attitudes des étudiant·e·s (Antecol et Cobb-Clark 2003 ; Perry, Schmidtke, et Kulik 1998) ou des personnes actives (Magley et al. 2013). Cela nâest pas surprenant étant donné que Bingham et Scherer soulignent que « les attitudes sont très résistantes au changement ». Le pire est quâune brève intervention de formation a eu un effet de contrecoup sur un échantillon dâhommes, de sorte quâaprès la formation, ils étaient plus susceptibles de blâmer une victime de harcèlement sexuel que ceux qui nâavaient pas reçu la formation (Bingham et Scherer 2001). Les travaux de Tinkler, Gremillion et Arthurs (2015) suggèrent également que la formation politique sur le harcèlement a le potentiel dâactiver les stéréotypes de genre et les réactions négatives à lâégard des femmes, en particulier dans lâapplication de la formation obligatoire non individualisée. Dans lâensemble, le nombre étonnamment faible â mais néanmoins robuste â dâétudes sur les formations en matière de harcèlement sexuel peuvent améliorer la connaissance des politiques et la sensibilisation à ce quâest le harcèlement sexuel. Cependant, les formations nâont aucun effet négatif sur la prévention du
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 243 harcèlement sexuel étant donné que le changement de comportement est plus directement lié à la réduction du harcèlement sexuel, que des mesures peuvent être prises pour inhiber les comportements de harcèlement sexuel (même parmi ceux qui ont des attitudes ou des croyances sexistes qui rationalisent ou justi- fient le harcèlement, voir le chapitre 2), et quâil est difficile de changer les atti- tudes. Il semble préférable dâorienter les efforts vers la conception et le recours à des formations sur le harcèlement sexuel visant à modifier les comportements des personnes plutôt que leurs attitudes et leurs croyances. En fin de compte, ce sont les actions et les comportements des individus qui nuisent aux victimes qui sont illégaux, et non leurs pensées. La recherche sur les formations sur la diversité peut fournir quelques indi- cations sur la manière de mener une formation de manière à augmenter la pro- babilité quâelle améliore les connaissances et modifie les comportements. Une méta-analyse des formations sur la diversité et le harcèlement sexuel (Kalinoski et al. 2013) suggère que le fait quâune telle formation améliore les connais- sances, les croyances ou les comportements dépend de plusieurs facteurs, no- tamment la manière dont la formation a été dispensée, qui lâa dispensée, où elle a été dispensée, pour qui elle a été dispensée, pourquoi elle a été dispensée et le résultat souhaité de la formation. En dâautres termes, le contexte dans lequel la formation a été réalisée a son importance. Cette recherche conclut que les effets positifs sont plus probables lorsque la formation : ⢠a duré plus de quatre heures ; ⢠a été menée en face à face ; ⢠comprenait une participation active avec dâautres stagiaires à des tâches interdépendantes ; ⢠a été adaptée au public ; et ⢠a été menée par un superviseur ou un expert externe. Outre la manière dont la formation est conduite, le contexte organisation- nel dans lequel elle sâinscrit peut également influer sur son efficacité. Trois études récentes sur les formations en matière de santé sexuelle ont montré que le contexte organisationnel affecte lâefficacité de la formation. Tout dâabord, les connaissances et les attitudes personnelles ont été modifiées pour les em- ployé·e·s qui percevaient leur service comme éthique, indépendamment de leurs doutes quant à la réussite de la formation (Cheung et al. 2017). Deuxiè- mement, dans un échantillon dâindividus non formés, le sentiment que leur
244 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES organisation tolère le harcèlement sexuel a influencé leur cynisme quant à la réussite dâune éventuelle formation, plus encore que leurs propres convictions personnelles sur le harcèlement sexuel, qui ont alors affecté leur motivation à tirer des enseignements de la formation éventuelle (Walsh, Bauerle et Magley 2013). Troisièmement, dans une méta-analyse des formations sur le harcèle- ment sexuel, Roehling et Huang (2018, 13) concluent que la formation peut contribuer à la prévention, ou à la réduction, du harcèlement sexuel si « a) elle est menée conformément aux principes de formation fondés sur la science et b) le contexte organisationnel soutient les efforts de formation sur le harcèlement sexuel ». Sur la base de leur examen de la théorie et des résultats empiriques de la littérature sur le harcèlement sexuel, Roehling et Huang fournissent un cadre conceptuel pour organiser et comprendre lâefficacité de la formation sur le har- cèlement sexuel et les principaux facteurs qui interagissent pour lâinfluencer. Les principaux facteurs sont les suivants31 : ⢠objectifs de la formation ; ⢠conception et mise en Åuvre de la formation ; ⢠caractéristiques des stagiaires ; ⢠contexte organisationnel (politiques et pratiques alignées, soutien au leadership, climat et culture) ; ⢠les résultats proximaux (réactions, connaissances, compétences, at- titudes, perception, la tolérance organisationnelle du harcèlement sexuel) ; ⢠résultats intermédiaires (incidence du harcèlement sexuel, réponses au harcèlement sexuel) ; ⢠résultats distaux (litiges, productivité, chiffre dâaffaires). Le contexte de la formation, lâorganisation et les motivations des indivi- dus sont, de toute évidence, tous importants pour comprendre lâefficacité de la formation sur le harcèlement sexuel. Compte tenu de lâomniprésence de la formation sur le harcèlement sexuel et de la littérature plus fournie sur la for- mation organisationnelle, qui a constaté à plusieurs reprises que ces facteurs sont cruciaux, la rareté des bourses dans ce domaine est surprenante (Goldstein et Ford 2002). Dans la mesure où la littérature générale sur la formation four- 31âVoir la charte dans son intégralité sur http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ job.2257/full.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 245 nit des lignes directrices générales pour la création dâune formation efficace, susceptible de modifier le climat et le comportement organisationnels, celles-ci comprennent les éléments suivants : ⢠formations permettant de répondre aux besoins des populations spéci- fiques. Dans le milieu universitaire, cela comprendrait les étudiant·e·s, les boursiers ou boursières postdoctoraux, le personnel, les profes- seur·e·s et les dirigeant·e·s ; ⢠sâintéresser à la motivation institutionnelle de la formation, qui peut avoir un impact sur lâefficacité de la formation. Par exemple, les ap- proches fondées sur la conformité ont un impact positif limité ; ⢠organiser des formations en faisant appel à des formateurs ou forma- trices qualifié·e·s et proposer aux stagiaires des exemples de conduite inappropriée. Nous constatons quâune grande partie de la formation sur le harcèlement sexuel est aujourdâhui proposée via un mini-cours en ligne ou le visionnage dâune courte vidéo ; ⢠décrire les normes de comportement de manière claire et accessible (par exemple, éviter les termes techniques) ; ⢠établir des normes de comportement plutôt que de chercher unique- ment à influencer les titres et les croyances. Il est essentiel de commu- niquer clairement les attentes en matière de comportement et dâºensei- gner les compétences comportementales ; ⢠mener des formations dans le respect des meilleures normes, y com- pris de lâévaluation des besoins de préformation et lâévaluation de son efficacité. En outre, pour assurer le succès de la formation en général, il est primordial quâelle soit fondée sur les besoins identifiés de lâorganisation â câest-à -dire sur les buts et objectifs de lâorganisation et sur la mesure dans laquelle lâélimina- tion du harcèlement fait progresser ces buts et objectifs â et, en réalité, consti- tue elle-même lâun de ces buts. Cette question nâest presque jamais abordée en même temps que la formation sur le harcèlement sexuel, mais elle doit lâêtre. La réalisation dâune évaluation des besoins, lâélaboration dâune formation centrée sur ces besoins, puis lâévaluation appropriée de son succès sont depuis long- temps considérées comme les trois pierres angulaires dâune formation réussie (Goldstein et Ford 2002).
246 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES Sur la base des recherches examinées au chapitre 2 concernant la prévalence et les antécédents du harcèlement sexuel, lâanalyse des besoins doit être basée sur les données de lecture conjointe de tous les employé·e·s et inclure, au mi- nimum, une compréhension de la prévalence du harcèlement sexuel au sein de lâorganisation, de la mesure dans laquelle les individus superviseurs sont per- çus comme tolérant le harcèlement sexuel, et de la connaissance des procédures de signalement. Un autre critère minimal de préformation à inclure dans lâévaluation des be- soins est la motivation des employé·e·s à apprendre, étant donné que la littéra- ture générale sur la formation met en évidence son importance en tant que mo- teur du succès des efforts dâintervention (Colquitt, LePine et Noe 2000, Noe et Schmitt 1986). De nombreuses études ont montré que la motivation à apprendre est un moteur de résultats à court terme, y compris les réactions, lâacquisition et le transfert de connaissances et de compétences (par exemple, Baldwin et Ford 1988, Bell et Ford 2007, Colquitt, LePine et Noe 2000, Sitzmann et al. 2008). En bref, lorsque les stagiaires sont plus motivé·e·s à apprendre, on observe généralement de meilleurs résultats de formation. Compte tenu des objectifs de la formation, celle-ci pourrait également inclure les attitudes générales des employé·e·s à lâégard du harcèlement sexuel et des indicateurs du bien-être professionnel et émotionnel des employé·e·s, afin dâétablir un lien avec leurs expériences de harcèlement. Il est important quâune analyse des besoins soit basée sur les données des employés, et non sur les hypothèses du personnel des ressources humaines ou de la direction. à partir de cette analyse des besoins, la formation devrait être dévelop- pée pour combler les lacunes spécifiées dans les objectifs (Goldstein et Ford 2002). Les approches de formation à taille unique ne peuvent pas répondre à des besoins organisationnels spécifiques, et elles ne permettront pas non plus de réduire le cynisme des employé·e·s quant au gain potentiel de la formation. Enfin, lâanalyse des besoins devrait être directement liée au plan dâévaluation associé à la formation. Lâévaluation devrait être systématiquement attendue comme lâune des composantes de lâinteraction, et non comme une charge sup- plémentaire ; cette évaluation reproduirait celle des besoins antérieurs pour dé- montrer lâévolution du harcèlement sexuel, de la perception du climat et de la connaissance des procédures en matière de harcèlement.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 247 Notre commission estime quâune formation efficace en matière de harcèle- ment sexuel peut avoir un effet positif sur le climat organisationnel, changer les comportements et réduire le harcèlement sur le lieu de travail ; elle reconnaît toutefois que même une formation efficace ne peut se dérouler dans le vide ; « elle doit sâinscrire dans une culture holistique de non-harcèlement qui com- mence au sommet » (Feldblum et Lipnic 2016, v). De même, une formation qui aborde spécifiquement le harcèlement sexuel nâest quâune pièce du puzzle (il est important dâavoir une attention adéquate ailleurs), mais câest un élément vital. MESURER LES PROGRÃS ET ENCOURAGER LE CHANGEMENT Lâattention accrue du public sur le problème du harcèlement sexuel a consi- dérablement entaché la réputation des établissements dâenseignement supérieur et des universités qui reconnaissent que le harcèlement sexuel existe dans leurs programmes dâétudes et sur leurs lieux de travail. En conséquence, la collecte de données sur le harcèlement sexuel fait courir aux établissements dâensei- gnement le risque de non seulement perdre en justice, mais aussi de créer une apparence publique dâhostilité envers les femmes et lâéquité de genre. En outre, le système juridique relatif au harcèlement sexuel encourage la création de po- litiques et de formations sur le harcèlement sexuel qui mettent lâaccent sur la conformité et la prévention de la responsabilité, et non sur la prévention du harcèlement sexuel. Pour contrer cela, les établissements dâenseignement su- périeur et les universités doivent être incités à identifier et à mesurer publique- ment les problèmes, et à Åuvrer à les résoudre. Organisation des évaluations Pour créer un climat qui prévient le harcèlement sexuel, il faut dâabord bien comprendre le climat existant et le suivre dans le temps. Compte tenu de la discussion précédente dans ce chapitre, cela signifie quâil faut mesurer le cli- mat par rapport au harcèlement sexuel, à la diversité et au respect. La mesure et lâévaluation fréquentes du climat, au moyen dâenquêtes et dâautres outils, peuvent permettre dâadapter et de mettre en Åuvre des stratégies de prévention et de réponse afin de réduire le harcèlement sexuel et les autres formes dâinci-
248 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES vilité qui en découlent. Les informations provenant de ces enquêtes régulières peuvent aider les organisations à mieux comprendre la fréquence et la nature du harcèlement sexuel qui se produit, ainsi que la probabilité quâil soit signalé rapidement. Les données qui ressortent de ces évaluations peuvent également révéler des tendances à long terme sur la nature et lâincidence du harcèlement et sur lâefficacité des initiatives de formation (Buchanan et al. 2014). La réali- sation dâévaluations régulières et la publication des résultats peuvent également avoir lâeffet positif de démontrer lâengagement de lâorganisation à surveiller et à traiter le problème du harcèlement sexuel â un des facteurs permettant dâins- taurer un climat qui ne tolère pas le harcèlement sexuel. Pour mesurer les expériences des étudiant·e·s, la récente création de lâen- quête ARC3 (AdMinister-Researcher Campus Climate Collaborative) a suscité un fort taux de participation des établissements dâenseignement supérieur et des universités pour comprendre de nombreux aspects du climat du campus, y compris des modules sur le harcèlement sexuel perpétré par le corps ensei- gnant, le personnel ou dâautres étudiant·e·s. Dâaprès le site web dâARC332 : ARC3 nâest pas une organisation de membres. Il sâagit dâune collaboration entre des chercheur·e·s sur les agressions sexuelles et des professionnel·le·s des affaires étudiantes qui se sont réuni·e·s pour répondre au groupe de travail de la Maison Blanche sur la sécurité des étudiant·e·s sur les campus, en particulier la nécessité de développer une enquête sur le climat du campus alimentée par tous ceux qui y répondraient. Les participant·e·s se sont réuni·e·s lors du Forum sur le climat du campus à lâUniversité dâÃtat de Géorgie, à Atlanta (Géorgie), en octobre 2014. Un second groupe plus restreint de participant·e·s sâest réuni au Sommet de Madison pour le climat sur les campus et lâinconduite sexuelle à lâUniversité du Wisconsin-Madison, en février 2015, où les participant·e·s ont mis au point lâenquête ARC3. Lâenquête, qui a été élaborée par des chercheur·e·s expert·e·s dans le do- maine de la violence contre les femmes (viol, harcèlement sexuel), est dispo- nible gratuitement pour un usage institutionnel et a été mise en Åuvre dans des centaines dâétablissements dâenseignement supérieur. Les groupes constitués dâétablissements supérieurs et dâuniversités peuvent demander des informa- 32â Voir http://campusclimate.gsu.edu/.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 249 tions supplémentaires sur lâenquête33, ainsi que des conseils supplémentaires sur la conduite de ces enquêtes34 sur le site web ARC3. Bien que lâenquête ARC3 puisse être dâune grande utilité pour les établisse- ments en matière de sous-évaluation et de suivi du climat du campus pour les étudiant·e·s, il nâexiste pas dâoutil similaire pour comprendre des constructions concernant le climat ambiant similaires pour le corps professoral, le person- nel, les stagiaires, les docteur·e·s ou les boursiers et boursières postdoctoraux. Le corps professoral, le personnel et les postdoctorant·e·s ont des expériences différentes sur les campus et, par conséquent, lâenquête ARC3 pour les étu- diant·e·s ne serait pas directement pertinente. Cependant, le développement dâun outil similaire, adapté à la population, pourrait être dâune grande utilité pour les institutions universitaires pour obtenir un aperçu anonyme de leur cli- mat actuel. Selon Smith et Freyd (2014), lâune des meilleures mesures prioritaires quâun établissement peut prendre pour remédier aux préjudices subis par les victimes en signalant le harcèlement sexuel (ce quâils appellent la « trahison institution- nelle ») est de sâimpliquer régulièrement dans des études personnelles (voir également Freyd et Birrell 2013). Lâauto-évaluation consiste à poser des ques- tions du type : « Faites-vous en sorte quâil soit facile ou difficile pour les per- sonnes de signaler lâexpérience ? », « Récompensez-vous ou sanctionnez-vous les personnes qui signalent cette expérience (par exemple, en leur retirant des privilèges ou un statut) ? », « Créez-vous un environnement dans lequel il y a de fortes chances, ou peu de chances, que ces cas se produisent ? ». Ces ques- tions permettent de mieux préparer les institutions à répondre aux problèmes futurs. Sâengager dans lâauto-formation permettra également aux institutions de rendre visibles des structures institutionnelles problématiques, jusque-là in- visibles, et de mener des discussions de pouvoir importantes. Pour mesurer les efforts menés en matière de diversité, Jayne et Dipboye soulignent à quel point il est essentiel de réaliser une évaluation des besoins de chaque organisation. Pour être efficace, une initiative en faveur de la diver- 33âVoir http://campusclimate.gsu.edu/arc3-campus-climate-survey/request-arc3-sur- vey-technical-documents/. 34âVoir https://www.justice.gov/ovw/protecting-students-sexual-assault#campusclimate.
250 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES sité doit être « adaptée à la situation, notamment à la culture et aux problèmes commerciaux et humains spécifiques auxquels lâorganisation est confrontée » (2004, 416). Une fois les besoins établis, les organisations élaboreront un plan, établiront des mesures concrètes pour évaluer son efficacité et utiliseront des enquêtes, des groupes de discussion et des opinions de tous les membres de lâinstitution pour suivre les progrès dans le temps. En général, « les organisa- tions doivent analyser de manière critique la manière dont les structures, les processus et les pratiques organisationnelles servent, séparément et collective- ment, à perpétuer la discrimination au sein des organisations, et doivent com- prendre comment les contextes dans lesquels les organisations sont intégrées constituent des éléments essentiels qui influent sur les niveaux de discrimina- tion » (Gelfand, Erez et Aycan 2007, 29). Certain·e·s chercheur·e·s ont mis au point des outils prometteurs pour mesu- rer des aspects spécifiques du climat sur le lieu de travail. Lisa Nishii (2013) de lâUniversité de Cornell, par exemple, a mis au point une échelle tridimension- nelle de « climat dâinclusion ». Ces trois dimensions comprennent (1) une base de pratiques dâemploi équitablement mises en Åuvre et de pratiques spécifiques à la diversité qui contribuent à éliminer les préjugés, (2) lâintégration interper- sonnelle des divers employé·e·s, et (3) lâinclusion dans la prise de décision ou la mesure dans laquelle les diverses perspectives sont activement recherchées et intégrées. En outre, Walsh et ses collègues (2012) ont élaboré le question- naire sur les normes de civilité qui évaluent le climat de civilité des collègues. Tous les outils et approches de cette section peuvent être utiles pour évaluer le climat dâune institution et les efforts quâelle mène pour prévenir le harcèlement sexuel. Provoquer le changement Parfois, les institutions et les personnes qui les composent doivent être inci- tées à apporter des changements. Cela peut être le cas lorsque les changements ne semblent pas nécessaires pour que lâinstitution puisse encore atteindre ses objectifs ou lorsque les individus ne mesurent pas lâimportance du problème. Les systèmes dâincitation peuvent être volontaires ou correspondre à des obli- gations, et ils peuvent également être basés sur des incitations positives ou négatives. Quelle que soit la manière dont ils sont mis en place, ils peuvent ne pas réussir à créer le changement organisationnel souhaité sâils ne vont pas
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 251 au-delà de ceux qui se trouvent au sommet de lâinstitution â ils doivent inciter au changement en descendant dans la hiérarchie de lâorganisation. Les systèmes de récompenses, tels que le programme Athena SWAN (Scien- tific Womenâs Academic Network)35, sont des exemples dâoutils qui ont créé des incitations positives pour générer du changement. Lancé au Royaume-Uni, le programme Athena SWAN a intégré des mesures dâincitation pour que les départements et les institutions, dans leur ensemble, respectent des normes éle- vées en matière de promotion de lâégalité des sexes et de la diversité. Lâune des principales mesures dâincitation consiste à obtenir des récompenses de niveau bronze, argent et or, tant pour les réalisations que pour les améliorations. Les candidatures du niveau bronze doivent présenter une base solide pour éliminer les préjugés sexistes et créer une culture inclusive. Cela comprend une évaluation quantitative et qualitative de lâégalité des sexes dans lâinstitution ou le département, un plan quadriennal qui traite des activités déjà en place et de la manière dâen tirer des enseignements, ainsi quâune structure organisationnelle permettant de mener à bien les actions proposées. Le niveau argent est attribué aux institutions, ou départements, qui ont démontré une amélioration significa- tive dans la promotion de lâégalité entre les femmes et les hommes et qui ont relevé des défis depuis leur candidature au niveau bronze. En outre, les institu- tions doivent indiquer ce quâelles font pour aider les différents départements à poser leur candidature aux prix Athena SWAN. Pour obtenir la reconnaissance or, une institution, ou un département, doit montrer un bilan significatif et sou- tenu en matière de promotion de lâégalité des sexes, tant au sein quâen dehors de lâinstitution ou du département. Ces institutions doivent fournir des données démontrant comment les principes dâAthena SWAN sont intégrés dans lâinsti- tution, ou le département, et quâelles ont adopté une approche intersectionnelle permettant dâanalyser les données et de créer des solutions aux défis identifiés. En outre, pour les prix institutionnels, au moins un département de lâinstitu- tion doit avoir reçu un prix or et la majorité des départements de lâinstitution doivent avoir reçu un prix argent. Grâce à ces exigences, le programme favorise une concurrence saine en encourageant les départements des établissements à coopérer pour atteindre des objectifs communs (Malcom et al. 2017). 35âVoir https://www.ecu.ac.uk/equality-charters/athena-swan/.
252 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES En 2013, lâEquality Challenge Unit a chargé une équipe de recherche de lâUniversité de Loughborough dâétudier lâimpact dâAthena SWAN dans les éta- blissements dâenseignement supérieur au Royaume-Uni (Equality Challenge Unit 2014). Lâune des principales conclusions de cette étude a été lâefficacité de la charte dans lâavancée de la carrière des femmes dans les STEM. Le per- sonnel de recherche qui a été classé dans la catégorie argent des départements récompensés a relevé une plus grande satisfaction quant à leurs performances professionnelles, aux possibilités de formation et de développement du person- nel par rapport au personnel des département nâayant pas de récompenses. Le personnel de recherche des départements ayant reçu le prix argent a également estimé que lâéquité de la répartition de la charge de travail était plus élevée que celle de leurs pairs des départements nâayant pas reçu de prix et a indiqué quâil pensait quâAthena SWAN avait amélioré leur visibilité, leur confiance en soi et leurs compétences en matière de leadership. Au-delà des individus, lâétude 2013 de lâEquality Challenge Unit a également examiné les moyens par lesquels Athena SWAN pourrait améliorer les pratiques institutionnelles. Lâétude a noté que la mise en Åuvre dâAthena SWAN dans les établissements dâenseignement supérieur au Royaume-Uni a apporté « une crédibilité, une orientation et un élan au travail sur lâégalité des sexes déjà en cours dans [les établissements dâenseignement supérieur] et a également eu des répercussions positives au-delà des départements STEM » (5). Les résultats de cette étude ont montré quâil y avait des changements culturels visibles au sein des institutions participantes, bien que cela varie dâune institution à lâautre. Dans certains éta- blissements, lâétude a constaté une augmentation visible de la représentation des femmes aux postes de direction. Certains établissements ont également fait état de changements positifs dans le recrutement du personnel à la suite de leur participation à Athena SWAN. Bien que lâétude ait montré des obstacles persistants dans le changement de la culture institutionnelle, elle a également constaté quâavec lâimplication des départements et des cadres supérieurs dans le processus de mise en place du système de bourses, les changements résultant de la mise en Åuvre dâAthena SWAN étaient durables. Grâce à des entretiens en face à face, et à une enquête menée auprès de 59 femmes et hommes de lâUniversité dâOxford (qui avaient obtenu des bourses Athena SWAN dans plusieurs départements), Ovseiko et ses collègues (2017) ont étudié les perceptions de lâimpact du programme Athena SWAN. Ils ont constaté que les personnes interrogées estimaient que le programme avait en-
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 253 traîné des changements structurels et culturels positifs, tels quâun soutien accru aux carrières des femmes, une meilleure appréciation des responsabilités fami- liales et des efforts pour lutter contre la discrimination et les préjugés. Les per- sonnes interrogées ont signalé certaines limites du programme : elles estiment quâil nâa pas permis de remédier aux déséquilibres de pouvoir et de rémunéra- tion et quâil nâa pas permis de dépasser les limites de la culture de lâuniversité et de la société en général. Lâune des principales raisons pour lesquelles Athena SWAN a été adoptée par un si grand nombre dâinstitutions au Royaume-Uni était lâexigence établie en 2011 par lâInstitut national de recherche en santé pour être pris en consi- dération pour le financement dâun centre de recherche biomédicale.36 La re- cherche menée par Ovseiko et ses collègues (2017) révèle que de nombreux répondant·e·s pensaient que les changements positifs dâAthena SWAN nâau- raient peut-être pas eu lieu sans le lien avec le financement, qui a fourni une motivation puissante aux dirigeant·e·s institutionnel·le·s pour obtenir le prix de niveau argent, et ensuite maintenir les changements et lâattention portée aux questions relatives à la diversité. Certains ont fait remarquer que ce lien avec le financement de la recherche a créé des incitations perverses pour obtenir le prix et pas nécessairement pour réaliser les changements structurels et culturels visant à améliorer la diversité, et a peut-être porté lâimportance de lâobten- tion du prix à un niveau tel que les problèmes ont été « balayés sous le tapis pour éviter de compromettre le processus de demande de prix » (7). Dâautres organismes de financement de la recherche au Royaume-Uni envisagent des exigences similaires pour les institutions afin dâêtre éligibles au financement de la recherche37, 38 ou recommandent quâAthena SWAN pourrait servir de preuve nécessaire pour démontrer quâune institution prend des mesures pour aborder les problématiques de lâégalité et la diversité.39 Les Ãtats-Unis sont en train 36âVoir https://www.nature.com/news/uk-gender-equality-scheme-spreads-across-the-wor- ld-1.22599. 37âVoir http://www.sfi.ie/research-news/news/irish-funding-bodies-to-require-athe- na-swan-gender-equality-accreditation-for-higher-education-institutions/. 38âVoir https://www.timeshighereducation.com/news/wellcome-trust-explores-diver- sity-rules-funding-applications#survey-answer. 39âVoir http://www1.uwe.ac.uk/aboutus/visionandmission/equalityanddiversity/accessforall/ athenaswan/planningandsubmission/reasonstoapply.aspx.
254 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES dâadapter Athena SWAN en élaborant un programme appelé STEM Equity Achievement (SEA Change). Grâce à la collaboration et au partage des meil- leures pratiques, plusieurs établissements développent un programme visant à récompenser les établissements en atteignant les niveaux de bronze, dâargent et, enfin, dâor40 Le programme SEA Change est supervisé par lâAmerican Asso- ciation of the Advancement of Sciences et est conçu pour encourager la parti- cipation au niveau des facultés et des départements à identifier des défis et des actions locales.41 En outre, les établissements ne pourront pas passer au niveau suivant si un certain nombre de départements nâatteignent pas également ce niveau. à lâinverse, les départements ne peuvent atteindre un niveau donné que si leur établissement a obtenu au moins une distinction de niveau bronze. De cette manière, SEA Change met en place ce que le livre blanc appelle « un cycle vertueux de collaboration » (Malcom et al. 2017). Pour que SEA Change connaisse le même niveau de participation quâAthena SWAN, il peut exiger des organismes de financement quâils formulent des recommandations ou des exigences similaires à celles qui ont été faites au Royaume-Uni. Une option pour stimuler la participation serait que les organismes de financement exigent le niveau bronze avant de pouvoir bénéficier de subventions de recherche axées sur lâamélioration de la diversité, comme le programme de prix de la National Science Foundation INCLUT.42 Une autre façon dâencourager le changement serait dâexiger la divulgation publique des données de lâenquête sur le climat dans les campus et/ ou du nombre de rapports de harcèlement sexuel réalisés dans les campus. La loi Jeanne Cle- ry sur la divulgation de la politique de sécurité sur les campus (connue sous le nom de loi Clery)43 est un modèle de ce type de système dâincitation. Elle oblige tous les établissements recevant des fonds fédéraux à signaler les crimes commis à proximité, ou sur les campus, y compris les agressions sexuelles. Une 40â exigences relatives à ces bourses sont actuellement à lâétude et devraient être repré- Les sentatives des modèles établis par Athena SWAN. 41â V ir https://www.aaas.org/news/sea-change-program-aims-transform-diversity-efforts- o stem. 42âINCLUS : lâinclusion dans tout le pays des communautés dâapprenants des chercheurs sous-représentés en ingénierie et en sciences. Voir https://www.nsf.gov/funding/pgm_ summ.jsp?pims_id=505289. 43âVoir https://clerycenter.org/policy-resources/the-clery-act/.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 255 exigence similaire pourrait être instaurée par les organismes de financement fédéraux ou le Congrès. LE RÃLE DES ORGANISATIONS ET ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES QUI FACILITENT LA RECHERCHE ET LA FORMATION Les organisations professionnelles ont pour objectif de faire progresser et soutenir leurs disciplines et communautés spécifiques. Elles énoncent sou- vent des déclarations de mission et des principes qui englobent des objectifs pour leurs pratiques des sciences, de lâingénierie ou de la médecine, ainsi que lâéthique de leur profession, créés par leurs membres. Au moyen de revues, de médias, de conférences, dâateliers, de programmes pour étudiant·e·s et de formations professionnelles, elles exercent une influence considérable et jouent un rôle important dans la carrière et lâavancement des scientifiques, des ingé- nieur·e·s et des médecins. Parce que les organisations professionnelles ont cette influence, elles ont la responsabilité de se joindre aux institutions académiques pour lutter contre le harcèlement sexuel dans les domaines des sciences, de lâin- génierie et de la médecine. Dâautres organisations, qui facilitent la recherche et la formation des scientifiques, ingénieur·e·s et médecins, comme les sites de collaboration sur le terrain (câest-à -dire les laboratoires et observatoires natio- naux), partagent également cette responsabilité. Le harcèlement sexuel dans les domaines des sciences, de lâingénierie et de la médecine ne peut être traité dans lâenseignement supérieur si les normes de comportement ne sont pas également respectées dans ces environnements en dehors des campus. Les organisations professionnelles ont plus de liberté que les agences fédé- rales pour développer des politiques et des pratiques indépendantes pour traiter du harcèlement sexuel, elles sont donc dans une position idéale pour agir en matière de prévention du harcèlement sexuel et de changement culturel. Plu- sieurs organisations se sont manifestées ces dernières années pour prendre fer- mement position sur la question du harcèlement sexuel parmi leurs membres. En tant que telles, les organisations professionnelles ont le potentiel dâêtre un puissant moteur de changement grâce à leur position qui leur permet de contri- buer à lâéducation, à la formation, à la codification et au renforcement des at-
256 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES tentes culturelles de leurs communautés scientifiques, techniques et médicales respectives. Bien que chaque société ait adopté une approche légèrement différente pour lutter contre le harcèlement sexuel, il existe certaines approches communes, dont les suivantes : ⢠adopter de nouvelles règles relatives à la participation à des confé- rences et à des codes de conduite ; ⢠inclure le harcèlement sexuel dans les codes dâéthique et enquêter sur les rapports de harcèlement sexuel (il sâagit dâune nouvelle respon- sabilité pour les organisations professionnelles et celles-ci examinent comment prendre en considération la loi, les institutions dâorigine, les procédures régulières et les rapports minutieux lors du traitement des rapports de harcèlement sexuel) ; ⢠exiger des membres quâils reconnaissent, par écrit, la responsabilité de lâassociation professionnelle ; ⢠soutenir et concevoir des programmes qui préviennent le harcèlement et fournissent des compétences pour intervenir lorsquâune personne est harcelée (par exemple Astronomy Allies et le programme Safe de lâUnion américaine de géophysique) ; ⢠renforcer les déclarations sur le harcèlement sexuel, lâintimidation et la discrimination dans les codes de conduite des organisations profes- sionnelles, dont certains la définissent comme lâinconduite en matière de recherche. ⢠prise en compte des fautes professionnelles liées au harcèlement dans les décisions dâattribution de prix scientifiques. Deux organisations ont pris des mesures pour renforcer leurs politiques en réponse aux problèmes de harcèlement sexuel dans leur domaine, la Société américaine dâastronomie (AAS) et lâUnion américaine de géophysique (AGU). Ces organisations ont deux caractéristiques communes : leurs domaines comptent un nombre relativement faible de femmes et la nature de leur travail implique la participation à de nombreuses réunions et la conduite de recherches sur le terrain. Des études ont montré que ces activités sont des lieux privilégiés de harcèlement sexuel (Clancy et al. 2017).
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 257 Ce qui distingue la politique de lâAGU44 des autres organisations profes- sionnelles est quâelle place désormais le harcèlement sexuel sous le chapeau de lâinconduite en matière de recherche. Bien quâil nây ait pas dâaccord univer- sel sur le fait que le harcèlement sexuel appartienne à cette catégorie, lâAGU a publié une déclaration expliquant pourquoi elle estime que sa décision est appropriée : « lâinconduite scientifique comprend également le traitement non éthique et biaisé des personnes⦠Ces actions violent lâengagement de lâAGU en faveur dâun environnement sûr et professionnel nécessaire pour apprendre, conduire et diffuser la science ».45 Selon les nouvelles directives, tout le monde peut déposer une plainte. Après lâavoir fait, un membre de lâAGU peut de- mander des protections contre le harcèlement, notamment « lâinterdiction pour la partie défenderesse de parler à la partie plaignante, lâinterdiction pour la partie défenderesse de participer à une activité de lâAGU, ou le fait dâassurer au plaignant, ou à la plaignante, une escorte pendant les activités de lâAGU. Si la plainte fait lâobjet dâune enquête complète à lâAGU ou dans les institu- tions dâorigine, lâAGU peut envisager des actions supplémentaires » (politique éthique de lâAGU 2017). Par exemple, la section du code de conduite de la politique éthique de lâAGU stipule ce qui suit : Nous affirmons que la discrimination, le harcèlement (y compris le harcèlement sexuel) ou lâintimidation dans tout environnement scientifique ou dâapprentissage est inacceptable et constitue une faute scientifique au sens de la politique dâintégrité scientifique et dâéthique professionnelle de lâAGU. Un tel comportement doit être signalé et sanctionné avec des conséquences pour le·la contrevenant·e, y compris mais sans sây limiter, les sanctions ou lâexpulsion de lâAGU, comme indiqué dans la présente politique. En outre, dans le cadre de lâengagement de lâAGU à garantir un environnement professionnel sûr et positif, le programme SafeAGU a été créé pour fournir du personnel et des bénévoles formés aux plates-formes de réunion sâils doivent signaler un harcèlement, une discrimination, une intimidation ou dâautres questions relatives à la sécurité au cours dâune réunion de lâAGU, ou pour demander un soutien anonyme lors du 44âPolitique de lâAGU sur lâintégrité scientifique et lâéthique professionnelle, disponible à lâadresse https://harassment.agu.org/files/2017/03/ScientificIntegrityandProfessiona- lEthics_Member-Review-Draft_March2017.pdf. 45âVoir http://www.sciencemag.org/news/2017/04/geophysics-society-hopes-de- fine-sexual-harassment-scientific-misconduct.
258 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES traitement de questions liées au harcèlement qui peuvent ne pas atteindre le niveau dâune plainte éthique formelle. (Politique éthique de lâAGU 2017, 4) La politique de lâAAS nâinclut pas le harcèlement sexuel avec inconduite dans la recherche, mais elle a publié une déclaration ferme sur cette question : En tant que société professionnelle, lâAAS sâengage à fournir une atmosphère qui encourage la libre expression et lâéchange dâidées scientifiques. Dans la poursuite de cet idéal, lâAAS se consacre à la philosophie de lâégalité des chances et de traitement pour tous ses membres, sans distinction de sexe, dâidentité ou dâexpression de genre, de race, de couleur, dâorigine nationale ou ethnique, de religion ou de croyance religieuse, dââge, de situation familiale, dâorientation sexuelle, de handicap, de statut dâancien combattant, ou de toute autre raison non liée au mérite scientifique. Le harcèlement, de nature sexuel ou non, est une forme dâinconduite qui porte atteinte à lâintégrité des réunions de la Société. Les contrevenant·e·s à cette politique feront lâobjet de mesures disciplinaires.46 LâAAS fournit des directives claires sur la manière de signaler un incident et sur les implications de lâenquête. La déclaration précise également que les re- présailles ne seront pas tolérées.46 Les membres de lâAAS ont également déve- loppé des efforts sur le terrain pour prévenir et répondre au harcèlement sexuel lors de réunions. Par exemple, les Astronomy Allies constituent un groupe au- to-organisé qui sert de ressource visible lors des conférences pour décourager les comportements de harcèlement, par exemple en offrant aux participant·e·s à la conférence un service dâescorte sûr pour retourner à leur chambre dâhôtel le soir, et offre du soutien et des conseils aux victimes de harcèlement sexuel. LâEntomological Society of America a élaboré un code de conduite47, en 2013, en réponse aux résultats préliminaires de lâétude SAFE (Clancy et al. 2014), lancé à temps pour être effectif pour sa conférence annuelle cette an- née-là . Dâautres organisations professionnelles, comme la Society for Neuros- cience, ont publié une déclaration de valeurs, mais la Society for Neuroscience ne répertorie pas les comportements associés au harcèlement sexuel. Elle a éga- 46âVoir https://aas.org/policies/anti-harassment-policy. 47â Voir https://www.entsoc.org/conduct.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 259 lement élaboré un guide de comportement lors des réunions.48 Il semble que de nombreuses autres organisations professionnelles prennent maintenant des mesures concrètes, semblables à celle de lâAAS et à lâAGU, pour traiter la question du harcèlement dans le domaine scientifique. Sur la base de ces actions et du rôle des organisations professionnelles dans les domaines de la science, de lâingénierie et de la médecine, les organisations profession- nelles devraient être considérées comme des organisations qui contribuent à créer une culture et un changement de climat ambiant qui réduisent, ou pré- viennent, lâapparition du harcèlement sexuel. Elles devraient fournir un soutien et des conseils aux membres qui ont été victimes de harcèlement sexuel. En outre, elles devraient user de leur influence pour lutter contre le harcèlement sexuel dans les communautés scientifiques, médicales et dâingénierie quâelles représentent, et promouvoir une culture professionnelle de civilité et de respect. Les sites de collaboration sur le terrain, où les chercheur·e·s de nombreuses institutions se réunissent fréquemment pour utiliser des installations spéci- fiques, devraient établir des normes de comportement et définir des politiques, des procédures et des pratiques similaires à celles recommandées aux institu- tions universitaires en suivant les exemples des organisations professionnelles. Ces sites, tels que les Oak Ridge National Laboratories, la Green Bank, lâobser- vatoire et la source nationale de lumière synchrotron des laboratoires nationaux de Brookhaven, pour nâen citer que quelques-uns, accueillent des scientifiques en visite toute lâannée pour utiliser leurs installations. Les Brookhaven Natio- nal Laboratories accueillent eux-mêmes chaque année plus de 2 200 utilisateurs de 41 Ãtats et 30 pays.49 Le chapitre 3 a examiné la manière dont les sites de recherche sur le terrain présentent des risques accrus de harcèlement sexuel et les défis uniques à rele- ver pour répondre à ces rapports. Les sites de recherche sur le terrain présentent des risques accrus pour les femmes en formation (Clancy et al. 2014), et les sites où les règles et les normes en matière de comportement approprié man- quaient de clarté présentaient souvent un nombre plus élevé dâincidents de har- 48âVoir https://www.nature.com/news/scientific-groups-revisit-sexual-harassment-poli- cies-1.18790. 49â Voir https://www.bnl.gov/bnlweb/pubaf/fact_sheet/pdf/FS_UserFacilities.pdf.
260 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES cèlement sexuel signalés, que ceux dont les règles étaient clairement affichées (Nelson et al. 2017). En outre, les compétences en matière de signalement de harcèlement sexuel qui relèvent des chercheur·e·s invité·e·s sont souvent va- gues, car les individus se trouvent en dehors des limites de leurs campagnes respectives. Par conséquent, une discussion approfondie sur la lutte contre le harcèlement sexuel dans lâenseignement supérieur serait incomplète si elle ne tenait pas compte de ces sites de recherche. RÃSULTATS ET CONCLUSIONS 1. Un changement systémique de la culture et du climat dans lâensei- gnement supérieur est nécessaire pour prévenir et lutter efficacement contre les trois formes de harcèlement sexuel. En dépit de lâattention croissante portée à cette question au cours de ces dernières années, aucun élément ne permet de penser que les politiques, procédures et approches actuelles ont permis de réduire de manière significative le harcèlement sexuel. Il est temps dâenvisager des approches qui tiennent compte des sys- tèmes, des cultures et des climats qui permettent au harcèlement sexuel de se perpétuer. 2. Il est nécessaire que les organes de direction soient solides et efficaces, à tous les niveaux de lâorganisation, pour modifier le climat et la culture de lâenseignement supérieur à lâéchelle du système. La direction de lâor- ganisation â à tous les niveaux â joue un rôle important dans lâétablissement et le maintien de la culture et des normes de lâorganisation. Cependant, les dirigeant·e·s des établissements dâenseignement supérieur disposent rare- ment dâune formation au leadership leur permettant dâaborder de manière réfléchie les questions relatives à la culture et au climat, et la formation au leadership existante est souvent de piètre qualité. 3. Les environnements dotés de systèmes et de structures organisation- nelles qui valorisent et soutiennent la diversité, lâinclusion et le respect sont des environnements où les comportements de harcèlement sexuel sont moins susceptibles de se produire. Le harcèlement sexuel se pro- duit souvent sur fond dâincivilité, câest-à -dire dans un environnement où le manque de respect est généralisé. Une culture qui valorise le respect
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 261 et la civilité est un environnement qui peut soutenir des politiques et des procédures visant à prévenir et à sanctionner le harcèlement sexuel, tandis quâune culture impassible anéantira les efforts déployés pour lutter contre le harcèlement sexuel. a. Il existe des stratégies dâintervention efficaces, fondées sur des données empiriques, permettant dâintégrer la diversité des sexes dans les pra- tiques dâembauche. b. Axer les structures dâévaluation et de récompense sur la coopération et la collégialité, plutôt que sur les seules mesures de la performance de lâenseignement et de la recherche au niveau individuel, pourrait avoir un impact significatif sur lâamélioration de lâenvironnement dans le monde universitaire. c. Il existe des stratégies dâintervention efficaces, fondées sur des données probantes, pour améliorer la civilité et le respect interpersonnels dans les groupes de travail et les équipes. d. Une organisation qui sâengage à améliorer le climat organisationnel doit sâattaquer aux problèmes de partialité dans le milieu universitaire. Une formation visant à réduire les préjugés personnels peut entraîner des changements à plus grande échelle dans les comportements adoptés dans les départements universitaires. e. Une formation fondée sur les compétences, orientée sur lâintervention des témoins favorise une culture de soutien, et non de silence. En dé- nonçant les comportements négatifs sur place, tous les membres dâune communauté universitaire contribuent à créer une culture dans laquelle les comportements abusifs sont considérés comme une aberration et non comme la norme. 4. La réduction des structures de pouvoir hiérarchique et la diffusion plus large du pouvoir parmi les professeur·e·s et les stagiaires peuvent réduire le risque de harcèlement sexuel. Les départements et les institu- tions pourraient adopter les approches suivantes pour diffuser le pouvoir : a. Utiliser des styles de leadership égalitaires qui reconnaissent que les personnes â à tous les niveaux dâexpérience et dâexpertise â disposent de grandes connaissances à apporter.
262 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES b. Adopter des réseaux de mentorat ou des comités de conseil qui per- mettent une diversité de voies potentielles pour les conseils, le finance- ment, le soutien et le signalement informel du harcèlement. c. Développer des moyens permettant dâaccorder des financements pour la recherche aux stagiaires plutôt quâau seul ou la seule chercheur·e principal·e. d. Assumer la responsabilité de préserver le travail potentiel de lâéquipe de recherche et des stagiaires en redistribuant le financement si un·e chercheur·e principal·e ne peut pas poursuivre le travail parce quâil·elle a instauré un climat qui favorise le harcèlement sexuel et en garantis- sant le financement des stagiaires si lâinstitution ou le bailleur de fonds retire le financement au chercheur principal en raison du harcèlement sexuel. 5. Les systèmes et les politiques qui soutiennent les cibles du harcèlement sexuel et les options pro-vidéo pour le signalement informel et formel peuvent réduire la réticence à signaler le harcèlement ainsi que le pré- judice que le harcèlement sexuel peut causer à la cible. a. Lâorientation des étudiant·e·s, des stagiaires, du corps enseignant et du personnel, à tous les niveaux, vers la culture de lâinstitution académique et ses politiques et procédures de traitement du harcèlement sexuel, peut être un élément important pour établir un climat qui démontre que le harcèlement sexuel nâest pas toléré et que les cibles seront soutenues. b. Les institutions pourraient mettre en place des systèmes de réponse qui renforcent les objectifs en fournissant des moyens alternatifs et moins formels dâaccéder aux services de soutien, les vices, lâenregistrement des informations et le signalement des incidents sans crainte de repré- sailles. c. Soutenir les étudiant·e·s victimes, câest aussi les aider à gérer leur édu- cation et leur formation sur le long terme. 6. Les accords de confidentialité et de non-divulgation isolent les vic- times de harcèlement sexuel en limitant leur capacité à parler de leurs expériences avec dâautres personnes et peuvent servir à protéger les auteur·e·s de harcèlement qui ont harcelé des personnes à plusieurs reprises.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 263 7. La transparence et la responsabilité sont des éléments cruciaux des politiques efficaces en matière de harcèlement sexuel. Les systèmes qui établissent clairement les comportements inacceptables, et tiennent les membres de la communauté pour responsables du respect des attentes com- portementales et culturelles établies par les dirigeant·e·s, ont des taux de harcèlement sexuel plus faibles. a. Les éléments clés des politiques claires de lutte contre le harcèlement sont quâelles sont rapidement et facilement assimilées (câest-à -dire quâelles utilisent des brochures dâune page ou des infographies et ne sont pas rédigées dans un langage juridiquement dense) et quâelles in- diquent clairement que les personnes seront tenues pour responsables en cas de violation de la politique. b. Une série de conséquences disciplinaires progressives (telles que des conseils, des changements de responsabilités professionnelles, des ré- ductions de salaire et une suspension ou un licenciement), proportion- nelles à la gravité et à la fréquence des faits, a le potentiel de corriger le comportement avant quâil ne sâaggrave, et ce, sans perturber de manière significative un programme universitaire. c. Dans le cadre dâefforts menés pour changer les comportements et amé- liorer le climat, il peut également être approprié pour les institutions dâentreprendre certaines mesures axées sur la réhabilitation, même si celles-ci ne sont pas des sanctions en soi. d. Pour que les personnes dans une institution comprennent que celle-ci ne tolère pas le harcèlement sexuel, elle doit montrer quâelle enquête et engage la responsabilité des auteur·e·s dans un délai raisonnable. Les institutions peuvent rendre anonymes les informations de base et four- nir des rapports réguliers qui indiquent le nombre de rapports faisant lâobjet dâune enquête et les résultats de celle-ci. e. Une approche permettant dâaméliorer la transparence et de démontrer que lâinstitution prend le harcèlement sexuel au sérieux consiste à en- courager la révision interne de ses politiques, procédures et interven- tions en matière de harcèlement sexuel, et à avoir des dialogues avec les membres de la communauté de leur campus (en particulier les cher- cheurs experts sur ces sujets) sur les moyens dâaméliorer la culture et le climat et de changer les comportements.
264 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES 8. Si la formation sur le harcèlement sexuel peut être utile pour améliorer la connaissance des politiques et des comportements qui constituent un harcèlement sexuel, il nâa pas été démontré quâelle permet de pré- venir le harcèlement sexuel ou de modifier les comportements ou les croyances des personnes, et certaines formations montrent un effet né- gatif (ou impact). Les efforts menés en ce qui concerne la formation sur le harcèlement sexuel doivent être évalués, et étudiés, pour déterminer leur efficacité et indiquer les points à modifier ou à améliorer, notamment les types de formation qui présentent des effets négatifs. 9. Dans la mesure où la littérature sur la formation fournit des lignes directrices générales permettant de créer des formations ayant un im- pact, qui peuvent changer le climat et le comportement, celles-ci com- prennent les éléments suivants : a. Formation destinée à des populations spécifiques. Dans le milieu universitaire, ces populations comprendraient les étudiant·e·s, les boursier·e·s postdoctoraux, le personnel, les professeur·e·s et les diri- geant·e·s. b. Veiller à la motivation institutionnelle de la formation, qui peut avoir un impact sur lâefficacité de la formation ; par exemple, les approches de conformité ont un impact positif limité. c. Mener la formation en faisant appel à des formateurs qualifiés et offrir aux stagiaires des exemples spécifiques de conduite inappro- priée. Nous constatons quâune grande partie de la formation sur le har- cèlement sexuel est aujourdâhui proposée par le biais dâun mini-cours en ligne ou du visionnage dâune courte vidéo. d. Décrire les normes de comportement de manière claire et accessible (par exemple, en évitant les termes juridiques et techniques). e. Ãtablir des normes de comportement plutôt que de chercher uni- quement à influencer les attitudes et les croyances. Il est essentiel de communiquer clairement les attentes en matière de comportement et dâenseigner les compétences comportementales. f. Mener la formation dans le respect des meilleures pratiques, notam- ment en évaluant, de manière appropriée, les besoins de préformation et lâévaluation de son efficacité.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 265 10. Pour créer un climat de prévention du harcèlement sexuel, il faut me- surer le climat en ce qui concerne le harcèlement sexuel, la diversité et le respect, et évaluer les progrès réalisés dans la réduction du harcèle- ment sexuel. 11. Les efforts visant à encourager des changements à lâéchelle du système, tels quâAthena SWAN50 sont essentiels pour inciter les organisations et les départements au sein des organisations à opérer les changements nécessaires. 12. Le harcèlement sexuel dans les domaines des sciences, de lâingénierie et de la médecine sera plus efficacement traité dans lâenseignement supé- rieur si les normes comportementales sont également respectées dans les environnements hors campus, tels que les réunions dâorganisations professionnelles et les sites de recherche et de terrain en collaboration. 13. Les organisations professionnelles peuvent être de puissants moteurs de changement grâce à leur capacité à contribuer à lâéducation, à la formation, à la codification et au renforcement des attentes culturelles de leurs communautés respectives de scientifiques, dâingénieurs et de médecins. Certaines organisations professionnelles ont pris des mesures pour prévenir le harcèlement sexuel parmi leurs membres, et y répondre. Bien que chaque société professionnelle ait adopté une approche légère- ment différente pour lutter contre le harcèlement sexuel, il existe certaines approches communes, telles que : a. Adopter de nouveaux codes de conduite et de nouvelles règles concer- nant spécifiquement la participation à des conférences. b. Inclure le harcèlement sexuel dans les codes dâéthique et enquêter sur les rapports de harcèlement sexuel (il sâagit dâune nouvelle responsa- bilité pour les organisations professionnelles, et celles-ci examinent comment prendre en compte la loi, les établissements dâorigine, les procédures régulières et les rapports minutieux lors du traitement des rapports de harcèlement sexuel). 50âAthena SWAN (Scientific Womenâs Academic Network). Voir https://www.ecu.ac.uk/ equality-charters/athena-swan/.
266 HARCÃLEMENT SEXUEL DES FEMMES c. Exiger des membres quâils reconnaissent, par écrit, les règles et co- des de conduite de la société professionnelle en matière de harcèlement sexuel lors de lâinscription à la conférence, et lors de lâadhésion et de son renouvellement. d. Soutenir et concevoir des programmes qui préviennent le harcèlement et apportent des compétences pour intervenir lorsquâune personne en est victime. e. Renforcer les déclarations sur le harcèlement sexuel, lâintimidation et la discrimination dans les codes de conduite des organisations profession- nelles, que certaines dâentre elles définissent comme une inconduite en matière de recherche. f. Prendre en compte des fautes professionnelles liées au harcèlement dans les décisions dâattribution de prix scientifiques. 14. Il existe de nombreuses approches prometteuses pour changer la culture et le climat dans le milieu universitaire. Toutefois, des recherches com- plémentaires évaluant les effets et les valeurs des approches suivantes sont nécessaires pour identifier les meilleures pratiques : a. Les politiques, les procédures, les formations et les interventions, en particulier la manière dont elles préviennent, et font cesser, les compor- tements de harcèlement sexuel, modifient la perception ou la tolérance des organisations à lâégard des comportements de harcèlement sexuel et réduisent les conséquences négatives liées aux signalements des in- cidents. Cela comprend des mécanismes de signalement informels et formels, la formation des témoins à lâintervention, la formation de la direction de lâétablissement, la formation au harcèlement sexuel, des interventions visant à améliorer la civilité, des réglementations en ma- tière de signalement obligatoire et des approches visant à soutenir et à améliorer la communication avec la victime. b. Les mécanismes dâoptions de résolution orientés vers la victime et les mécanismes par lesquels cette dernière a un rôle à jouer dans la décision de ce qui arrive à lâauteur, y compris les pratiques de justice restaura- tive.
6. Changer la culture et le climat dans lâenseignement supérieur 267 c. Les mécanismes de protection des victimes contre les représailles. d. Les mesures axées sur la réhabilitation afin de discipliner les auteurs. e. Les systèmes dâincitation pour encourager les responsables de lâensei- gnement supérieur à sâattaquer au problème du harcèlement sexuel sur les campus.